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À la découverte d’Ibukijima

 

Donc, il y a 15 jours, Yuichi-san, le mari de mon amie Cathy, m’invitait à se joindre à lui et quelques amis et anciens étudiants à la découverte d’Ibukijima. Architecte de profession, il voulait simplement voir à quoi l’île pouvait bien ressembler et s’il y avait des choses qui pourraient l’intéresser. Connaissant ma passion pour les îles de la région, il eut la gentillesse de m’inclure au voyage. Et comme l’île sera l’une des nouveaux hôtes de la Setouchi Triennale l’an prochain, je souhaitais la découvrir un petit peu en avance.

Avant de parler de l’île en elle-même, je tiens à le remercier ici (même s’il ne lit pas le français) et d’ajouter que c’était la première fois depuis que je suis au Japon que je passais la journée avec non seulement des gens que je ne connaissais que peu (pour Yuichi-san) voire pas du tout (pour tous les autres) mais aussi des gens qui ne parlaient que peu ou pas anglais (et mon japonais est encore bien trop parcellaire pour pouvoir avoir des conversations), à l’exception d’une personne qui avait vécu en Angleterre et de Yuichi-san lui-même qui comprend parfaitement l’anglais (mais qui a du mal à le parler pour cause de manque de pratique). C’était assez intéressant, mais même si je fus bien plus silencieux qu’à mon habitude durant cette journée, la gentillesse légendaire des Japonais a fait qu’à aucun moment je ne me suis senti exclu des conversations ou délaissé ou autre sentiment déplaisant similaire que l’on ressent souvent quand on se retrouve le seul à ne pas parler la langue dominante dans un groupe (et là, c’est à vous hispanophones que je pense).

Je vous fais patienter encore quelques lignes avant d’entrer dans le vif du sujet puisqu’avant de nous rendre sur Ibukijima, nous fîmes un mini-détour par le Zenigata, en partie pour le montrer à ceux qui ne l’avaient jamais vu, en partie parce que l’un de mes compagnons de voyage avait conçu les toilettes publiques du Parc de Kotohiki (et oui, ça peut paraître risible comme ça, mais les architectes gagnent surtout leur pain avec des choses pas forcément glamour, mais utiles) et voulait le montrer et en discuter avec son collègue.

 

 

Comme précédemment mentionné dans un autre post avec une photo similaire (prise au même endroit trois ans auparavant), l’île en arrière-plan est Ibukijima. Et nous nous y sommes rendus de suite après.

 

 

Ibukijima est une île très différente des îles de la Mer Intérieure de Seto auxquelles je suis habitué. Tout d’abord, elle est relativement isolée, à 10 km de la côte et à peu près autant des autres îles les plus proches et encore beaucoup plus de l’île habitée la plus proche. Ensuite, sa forme est assez spéciale aussi (quoique c’est peut-être normal dans cette partie là de la mer) puisqu’il n’est pas une sorte de petite montagne émergée, mais un plateau légèrement incliné comme vous pouvez le voir sur la photo précédente.

D’ailleurs cet isolement est un des facteurs déterminants de son unicité. En effet, elle serait connue des linguistes et phonologistes étudiant la langue japonaise car l’accent (et certainement le dialecte) de la population serait unique et différent du reste de la région.

Quant à la topographie de l’île, elle aussi a son influence. Dans toutes les autres îles de taille modeste de la Mer de Seto que je connais, les villages sont situés en bord de mer. Là c’est assez impossible et le village est construit sur le plateau, en hauteur, comme vous pouvez le voir sur la photo satellite suivante :

 

(source Wikimedia Commonsvoir l’image en grand format)

 

La troisième chose surprenante est la densité de population. Pensez que l’île est légèrement plus petite qu’Ogijima et pourtant le village d’Ibukichō occupe une bonne partie de la surface de l’île. En effet la population avoisine les 700 habitants (contre 200 sur Ogijima) et pourtant l’île souffre du même problème de dépopulation que les autres. Les maisons abandonnées y sont très nombreuses comme vous allez le voir sur les photos à venir. Si l’île dispose d’une telle densité de population par rapport à la « norme » locale, c’est qu’elle dispose d’une industrie assez prospère. Si vous regardez de nouveau la photo ci-dessus, vous verrez des constructions tout le long de la côte. Il s’agit de petites « usines » de pêche. En effet, Ibukijima est l’un des premiers producteurs d’anchois et de sardines de la région. Anchois et sardines qui ont la particularité d’être séchés. Et il semblerait bien que toute l’économie de l’île soit basée sur cette pêche et ce séchage, qui serait donc aussi la source de cette population « importante ».

 

Dans ce contexte, il peut sembler surprenant que le seul lien de l’île avec Shikoku soit un simple bateau, même pas un ferry, au point que je me demande comment sont acheminées les quelques voitures et autres objets de taille. Peut-être y a-t-il aussi un bateau de marchandises s’y rendant de temps en temps ? En tout cas, le bateau qui nous mena sur Ibukijima n’était pas un simple bateau transportant des passagers (comme peut l’être la Teshima Art Line) mais il transporte aussi des petites marchandises et véhicules (deux roues) si bien que chaque arrivée de bateau génère une effervescence sur le port que je n’avais encore jamais vu ailleurs. C’est par dizaines que les habitants viennent accueillir le bateau car celui-ci leur apporte diverses commandes et colis. Lors de ma prochaine visite de cette île, il faudrait que j’essaie de filmer ça pour vous donner une idée.

 

La rue montant au village depuis le port. Il en existe une plus large et plus praticable pour les quatre roues (sur l’île les scooters sont rois) mais elle fait le grand tour.

 

Le Sanctuaire de Hachiman d’Ibukijima.

 

 

 

 

Comme je le disais plus haut, les maisons abandonnées ne sont pas rares. Je n’ai pas de chiffres mais j’imagine que la population devait être encore plus importantes il y a quelques dizaines d’années :

 

 

 

Les deux îles les plus proches d’Ibukijima (à une dizaine de kilomètres). Elles sont inhabitées bien entendu. Quoique j’ai un doute pour la plus grande (qui reste très petite, l’autre c’est juste un gros rocher), la photo satellite sur Google Maps montre une espèce de digue (et un bateau amarré) mais aucune construction (peut-être un repaire de pirates ?)

 

Nous nous sommes un petit peu aventurés dans la partie non habitée de l’île, qui possèdent quelques détails intéressants comme ce chemin menant à un très petit sanctuaire à la pointe nord et possédant un certain nombre de Jizō et autres statuettes sacrées :

Il était intéressant de voir que la plupart des statuettes ont récemment été remplacées par des plus neuves, mais que l’ancienne est toujours sur place. Peut-être que la pratique est normale, mais c’était la première fois que je l’observais.

 

 

 

Près de l’entrée du petit sanctuaire. Quoique je dis sanctuaire, mais vu les symboles bouddhistes partout, peut-être s’agissait-il d’un mini-temple. Il était situé dans une grotte minuscule et n’était pas exactement renversant (et la seule photo que j’ai prise était trop ratée pour figurer ailleurs que dans la corbeille).

 

 

Kan’onji au loin

 

 

Un drôle de bâtiment. Dommage qu’il soit fermé j’aurais bien aimé savoir ce que c’était.

 

 Ibukichō possède aussi un mini musée d’histoire de l’île. Musée entretenu par les habitants de l’île. Nous nous y sommes aventurés quelques minutes et fûmes accueillis par un instituteur passionné par l’histoire de son île était j’aurais bien aimé comprendre un peu plus tout ce qu’il a raconté.

 

Ibukijima il y a quelques décennies, photo n’étant pas sans rappeler celles que j’avais vues sur Ogijima. Des champs en terrasse partout aujourd’hui retournés à l’état sauvage.

 

 

Après la visite de la campagne d’Ibukijima ainsi que des rues d’Ibukichō, nous sommes descendus au port de pêche pour le voir de plus près. Cela fera l’objet d’un prochain article.

À suivre donc

 

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4 commentaires sur “À la découverte d’Ibukijima”

  1. Merci pour cet article très intéressant ! Je suis toujours étonné et curieux de voir la vie qui se déroule sur ces petites îles. La vie au quotidien, l’ambiance des petites rues, les échoppes…
    Quelle dommage aussi de voir toutes ces maisons traditionnelles à l’abandon et vouées à disparaître… C’est vraiment triste. Peut-être qu’un jour vous vous installerez sur l’une de ces îles, et ferez revivre certaines de ces maisons ?! 😉

    1. De rien.
      Oui, j’essaie autant que possible de faire découvrir ces îles sous leur aspect le plus « normal » et le moins touristique possible, mais c’est parfois assez difficile, surtout quand je découvre l’île moi-même (celles que je connais mieux, c’est un peu plus facile mais pas beaucoup plus tant que je parle pas la langue – quand ce sera le cas, ça va changer je vous dis).

      Sinon avoir une maison sur Ogijima est effectivement un de mes buts. But que je pense irréaliste il y a quelques années et qui est finalement presque à portée de main aujourd’hui sinon à cause de l’aspect financier (c’est pas trop cher, mais la rénover sera une autre histoire). J’en ai repéré deux ou trois sur lesquelles j’aimerais bien jeter mon dévolu (encore faut-il que je trouve le propriétaire et qu’il veuille vendre à un étranger – mais j’ai un plan à long terme).

  2. Serait il possible de savoir d’où part le bateau pour se rendre sur l’île et où peut se renseigner pour s’y rendre ? Et combien coûte le trajet ?

    Merci

    1. Oups, je pensais l’avoir mentionné. Le bateau part du port de Kan’onji (Ibukijima en fait administrativement partie), il y en a quatre par jour et il coûte 1000 yen aller-retour.

      Par contre, si tu as l’intention de t’y rendre, je te le souhaite – bien entendu – par contre, si on ne connait pas vraiment les îles de la Mer de Seto, ce n’est peut-être pas celle-là par laquelle il faut commencer.

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