Pour l’oeuvre de la Setouchi Triennale 2013 dont je veux vous parler aujourd’hui nous restons à Takamatsu. En effet, même la grosse majorité des oeuvres de la Triennale sont sur les îles de la Mer de Seto, n’oublions pas que l’on en retrouve quelques unes sur le « continent » c’est à dire à Takamatsu ainsi que dans le Port d’Uno dans la Préfecture d’Okayama.
Mais si nous restons à Takamatsu, nous quittons toutefois le centre-ville puisque nous nous rendons sur Yashima, dans un lieu qui devrait plaire aux fans de haikyo, puisqu’il s’agit de l’un des nombreux bâtiments abandonnés de la colline (pour une fois nous ne parlons pas de bâtiments abandonnés à cause de dépeuplement, mais à cause de l’explosion de la bulle immobilière de la fin des années 80), en l’occurrence le terminal du funiculaire qui permettait d’accéder au sommet de Yashima jusqu’en 2004.
C’est effectivement ce bâtiment que Leandro Erlich a décidé d’utiliser comme support de son oeuvre Beautifully Abandoned.
Avant de parler plus en détails de cette oeuvre-ci, je vous rappelle qu’Erlich a déjà une oeuvre dans la région depuis 2010, puisqu’il a signé la magnifique The Presence of Absence et Double Tea sur Megijima, oeuvres dont je ne vous ai jamais parlé car sans pouvoir vous les montrer c’est assez difficile : malheureusement les photos y sont interdites, mais même si elles ne l’étaient pas, la montrer de manière satisfaisante reste difficile. (en fait, il y a une photo de Double Tea sur son site).
Que ce soit sur Megijima ou sur Yashima (et dans ces autres oeuvres aussi ? J’avoue ne pas les connaître) son art se base sur le visible et l’invisible, les jeux de miroir, le trompe-l’oeil et autres illusions d’optiques.
Dans The Presence of Absence vous « voyez » un homme invisible marcher dans un jardin sec.
Dans Double Tea, c’est vous même qui devenez invisibles face à un miroir (comme un vampire), à moins que…
Pour Beautifully Abandoned, le visible/invisible et les jeux de miroir s’associent pour donner un aspect étrange au bâtiment abandonné.
Étrange car pas vraiment surréaliste, mais pas vraiment normal non plus.
Comme vous le voyez sur la photo ci-dessus, la première chose que l’on voit sans voir c’est l’ombre du bâtiment, sauf qu’il s’agit d’une ombre permanente, le sol est tout simplement de deux couleurs : terre et noir. Ça saute à la fois aux yeux quand on arrive sur place, et en même temps pas vraiment parce que cela semble être naturel, juste une ombre.
Je m’y suis rendu en fin de mâtinée, donc la véritable ombre du bâtiment était minuscule, presque invisible, ce qui rendait cette ombre encore plus « réelle », elle n’entrait pas en compétition avec la vraie ombre. Mais je me demande quel est l’effet quand les deux ombres sont visibles ? Ou quand les deux ombres se superposent (certainement en fin d’après-midi selon la saison) ? Et qu’en est-il des jours sans soleil, le bâtiment se retrouve être le seul à posséder une ombre ? Bref, il va falloir que j’y retourne…
Mais l’oeuvre ne s’arrête pas à cette fausse ombre. En s’approchant un peu plus près on remarque plus ou moins soudainement autre chose. Dans l’arche qui servait d’entrée au bâtiment, il y a un grand miroir, un grand miroir sans ombre, comme s’il s’agissait en fait d’un passage, d’un trou dans le bâtiment.
Peut-être une invitation à aller de l’autre côté du miroir ? En tout cas, un autre jeu de faux-semblants qui contribue à créer une bien étrange atmosphère autour de ce bâtiment.
Au final, j’aime vraiment cette oeuvre. Au premier abord, elle peut paraître toute bête : une ombre « peinte » au sol et un miroir. Mais elle est en fait très subtile. C’est vous, en étant sur place, en vous approchant, en vous déplaçant autour du bâtiment, qui créez cet univers où tout est vrai et faux en même temps. Après tout c’est le propre des illusions d’optique ; elles n’existent que s’il y a quelqu’un pour les percevoir. N’est-ce pas aussi la nature de l’art finalement ?
En « bonus » ma première (et dernière) expérience d’haikyo… oui bon pas vraiment, je ne suis pas entré dans le bâtiment, juste jeté un coup d’oeil à l’intérieur :
En fait, en jetant ce coup d’oeil, l’oeuvre prend une autre dimension, puisque je me retrouve tout bêtement face à la même illusion d’optique : suis-je train de regarder ce qu’il y a de l’autre côté de la fenêtre ou ce qui est derrière moi et qui se reflète dans la glace ?
Accès et informations pratiques :
Étant une oeuvre en extérieur, Beautifully Abandoned est accessible tous les jours, toute la journée et elle est gratuite. Notez toutefois qu’il vous faudra marcher un minimum pour y accéder.
En savoir plus sur Ogijima
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Excellent ! Un autre voyage tout en poésie.
Merci à toi pour ces images qui donnent envie d’aller vivre l’expérience là-bas.
Je connaissais un travail de cet artiste mais je ne connaissais pas son nom. Du coup je gagne aussi un peu plus de culture.
Et encore mille mercis pour ton site !
De rien. Merci pour le commentaire.