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Dans Takamatsu (1er Jour – 19 mai 2010)

 

Réveillé à 3 heures du matin (les vibrations de portable pour SMS reçu à cette heure-là c’est mortel pour le sommeil, surtout quand un sale décalage horaire se greffe dessus) et n’ayant pas vraiment pu me rendormir pour une durée de plus de 30 minutes avant le matin, celui-ci fut essentiellement passé à ne rien faire dans la maison de mes beaux-parents et, vu que je ne pouvais pas exactement participer aux conversations, je décidai de m’intéresser de plus près à ce qu’il y avait sur l’écran de la télévision. Je ne saurais dire dans quel contexte il fallait resituer les émissions qui étaient devant mes yeux en cette matinée (plutôt TF1 ou plutôt Arte ?) mais j’avais la drôle d’impression de me trouver devant une succession d’émissions de télé-achat. Il s’agissait en fait d’une émission du genre de « La Matinale » mais il y a vraiment certains codes de la télévision japonaise qui restent très opaques à mes yeux non-initiés et que je ne m’attendais pas à retrouver dans un pays aussi avancé (surtout qu’il s’agit bien de codes que l’on retrouve de manière générale et qui ne sont nullement spécifique à cette émission-là).

Parmi ceux-ci, il y a bien entendu le fait qu’il y a des choses écrites en incrustation sur l’écran partout et tout le temps. Ensuite, il me faut vous parler des cadreurs. Soit quelque chose m’échappe, soit je pourrais être cadreur au Japon, vous aussi d’ailleurs, tout le monde en fait : je n’ai jamais vu dans une émission télé hors du Japon autant des cadrages aussi hasardeux, des zooms brutaux, des caméras parfois peu stables, bref, on dirait que c’est moi qui filme tout ça avec mon caméscope.

Quant aux reportages, quels qu’ils soient, on se croirait systématiquement dans une émission de TV-réalité. Difficile (sauf peut-être avec un peu d’expérience que je n’ai pas) de dire quelles images sont réelles et lesquelles sont des mises en scène, y compris dans des trucs sérieux, avec des hommes politiques importants que je vois pourtant mal rejouer telle ou telle discussion pour les caméras.

Pour déjeuner, nous nous sommes rendus dans un restaurant qui s’appelle Yusyokubouya où j’ai eu l’occasion d’enlever mes chaussures pour la première fois dans un restaurant (c’est en fait assez étonnant que cela ne soit pas arrivé l’an dernier), car dans certains restaurants, il arrive que l’on se déchausse pour entrer dans certaines pièces, comme dans les maisons (sauf que dans les maisons c’est obligatoire). Cette pratique – se déchausser dans un lieu public – peut sembler bizarre au début mais on s’y habitue vite, même quand c’est pour visiter un château ou autre lieu très fréquenté.

La nourriture aussi y était originale dans le sens où mon repas fut constitué d’une sorte de medley de divers plats japonais : Udon, Chirashi, Shabu Shabu de ventrêche, etc. En général, les restaurants ont plutôt une spécialité qui leur est propre, pas des menus comprenant de la sorte plusieurs plats si différents les uns des autres.

Puis le début d’après-midi vint et nous nous rendîmes chez un photographe pour y préparer une séance-photo à venir. Quel type de séance-photo ? Des photos de mariage en vêtements traditionnels bien sûr ! Près d’un an après les faits, cela me semblait un peu bizarre de faire des photos de mariage, mais j’avoue que l’idée de mettre un kimono – un vrai – m’attirait quand même pas mal. Il fallait attendre encore quelques jours pour les photos, mais rien que la prise de rendez-vous fut déjà toute une histoire.

Première chose : le prix. Je ne le connais pas exactement (c’est mes beaux-parents qui ont payé), mais il m’a semblé extrêmement cher. Quelque chose comme 50-80 € par photo, il y en aura cinq au total, et si on veut récupérer les autres, il faudra payer aussi. Hors de question de récupérer les « rushes », pas même en version digitale. Au début, je me fichais un peu du choix des photos finales, me disant que de toutes façons je partirais avec un CD ou une clé USB avec toutes les épreuves dedans et que je ferai ma sauce à la maison. Que nenni ! On récupèrera l’album avec les tirages en un exemplaire des photos que l’on aura choisi et puis c’est tout !!!

Frustrant et bizarre ?

Exactement.

Mais bon, essayer de le rationaliser ne servirait à rien, encore une différence culturelle inexplicable.

J’ai l’impression que cette pratique provient du fait que les mariages au Japon étant de moins en moins souvent traditionnels, il y est devenu de plus en plus important de faire ce type de photos quand on se marie, tout ça dans la grande lignée du fait qu’au Japon, l’habit fait le moine, et donc tout un business s’est développé autour.

Entre autres choses, il me fallu remplir un questionnaire de base (nom, prénom et le reste) et chose que l’on oublie souvent, nous Occidentaux, c’est que la date de naissance ne s’exprime que rarement en calendrier grégorien, mais plutôt en décompte japonais. Pour les jours et les mois, pas de problème, le Japon a pleinement adopté le système grégorien (à l’ère Meiji je suppose), mais pour les années, c’est pas encore ça. Les Japonais continuent à compter les années de deux façons : l’année du calendrier grégorien, mais surtout l’année japonaise. Comment celle-ci fonctionne-t-elle ? C’est simple, chaque année appartient à une ère, chaque ère étant le règne d’un empereur, l’an 1 de cette ère étant la première année de son règne. Et donc je suis né en Shōwa 48. Shōwa, nous le connaissons en France sous le nom d’Hirohito ; rappelez-moi de vous expliquer un jour pourquoi et comment les Japonais (surtout les empereurs, mais les autres aussi) changent de nom quand ils meurent.

Une note sur les kimonos. Comme il ne s’agit pas de simples yukatas, mais bel et bien de véritables kimonos traditionnels, ils sont loués, car rarement sinon jamais possédés par les mariés. Pour l’homme c’est simple, il n’y a qu’un seul modèle, donc il est plus ou moins compris dans le prix. Pour la femme, la location de kimono coûte si j’ai bien tout compris de 100 à 2000 € (voire plus ?) alors qu’elle ne va le porter qu’une heure environ !

Si on veut acheter un tel kimono, le prix est encore plus exorbitant. Je connaissais déjà cet état de fait, mais je n’avais jamais vraiment compris la raison qui servait à justifier de tels tarifs si déraisonnables jusqu’à ce jour-là où je vis et touchai les kimonos en question. Tous les dessins, motifs et autres décorations que vous pouvez voir dessus, c’est pas imprimé : c’est brodé (certainement à la main) et quand vous l’avez à quelques centimètres de vous, voire entre les mains, vous réalisez alors qu’il s’agit de véritables œuvres d’art et ce à plus d’un titre. Aucune photo ne peut vraiment faire ressortir la finesse du tissu, des broderies et des détails, ce qui au final est un peu ironique, puisque nous les louons pour faire des photos justement, mais souvenez-vous, au Japon, on ne rigole pas avec l’uniforme quel qu’il soit. Je le répète : l’habit fait le moine au Japon. Mais même pour ça, ils trichent un peu quand même : la femme ne se fait pas réellement coiffer de façon traditionnelle, il s’agit d’une perruque !

Pour la petite histoire, ma belle-mère voulait aussi que l’on prenne des photos avec une tenue plus contemporaine. C’est-à-dire avec 康代 portant une robe de mariée occidentale mais d’une couleur contre-nature (au choix : pêche, rouge, violette). Nous lui avons fait comprendre que cela ne serait pas nécessaire, pas besoin de faire des photos « à l’occidentale » quand le mariage fut réellement occidental et qu’il y a déjà un gros paquet de photos qui ont été prises ce jour-là, certaines par un vrai photographe. Là aussi, c’est une des contradictions du Japon qui m’explosait à la figure. D’un côté, il y a ces kimonos d’une valeur (culturelle, patrimoniale et bien sûr financière) inestimable, et de l’autre ces tenues « à l’occidentale » que tout Occidental (dont moi) trouverait totalement kitsch, à la limite du ridicule. Et ça fait un peu bizarre quand on sait que les deuxièmes sont de plus en plus préférées aux premières par les jeunes générations quand elles se marient.

Et là je vous entends tous de l’autre côté de votre écran : « Les photos ! On veut voir les photos ! »

Malheureusement, je me dois de calmer vos ardeurs tout de suite, car trois choses :

– Je ne les ai pas encore en ma possession.

– Je ne suis pas encore sûr de vouloir mettre ma tête et celle de 康代 sur ce blog.

– Vu que je n’aurais pas de version numérique de ces photos, et quelles seront littéralement enchâssées dans un album, je ne sais pas s’il sera facile de les scanner.

Mais je réfléchis toutefois à l’éventualité de les poster ici quand je les aurai, donc qui sait ?

Le reste de ma première journée fut passé à me balader au centre-ville, dans les nombreuses rues couvertes (Shotengai – 商店街) de Takamatsu car il pleuvait un peu. Presque toutes les villes du Japon ont leurs rues couvertes (et la France ferait bien d’en prendre de la graine), ces rues commerçantes, interdites aux véhicules à moteur et qui sont couvertes pour protéger les gens des intempéries, mais Takamatsu détient le record du Japon de la plus grande distance couverte, puisque leur longueur cumulée est de 2,7 km environ.

Hyogomachi à Takamatsu
Hyogomachi à Takamatsu

Quelques anecdotes :

– Quelques minutes à peine dans les rues commerçantes, je croisais quatre Françaises, la cinquantaine environ, très probablement des touristes et qui cherchaient le Mitsukoshi du coin, ce qui est amusant si on considère que ce magasin est plus ou moins l’équivalent japonais des Galeries Lafayette et que les touristes Japonaises ont cette tendance à être obsédées par ce Mitsukoshi français que sont les Galeries Lafayette.

– C’est dingue le nombre d’expressions en français et autres termes franponaisqu’il y a dans les rues de Takamatsu, je n’avais pas fait attention la dernière fois. Et comme j’en ai pris pas mal en photo, je les distillerai au fur et à mesure ici même.

Sans Façon sur ciel

– Plus je regarde les jeunes Japonaises, plus je pense que plus elles essaient d’être sexys, plus elles sont vulgaires, alors que elles s’habillent classe, plus elles sont sexys. Notons aussi que ceci ne s’applique pas forcément aux rues de Tokyo (plus de détails là-dessus plus tard).

– Pendant qu’en France, dès qu’on entre dans une librairie on se tape des bêtises de type Marc Levy en tête de gondole, au Japon, c’est le troisième tome de 1Q84, le dernier Murakami, que l’on retrouve partout, mais alors partout…

– Pareil pour les DVDs, en France, quand je suis parti c’était je ne sais quel concert de Mylène Farmer (mais qui donc achète ça !?). Là, le DVD auquel on ne pouvait échapper c’était Max et les Maximonstres. Choisissez votre camp. Moi c’est tout vu.

Dans les rues de Takamatsu
Dans les rues de Takamatsu

 

 

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2 commentaires sur “Dans Takamatsu (1er Jour – 19 mai 2010)”

  1. Félicitations aux mariés donc !!
    Je ne réclamerai pas les photos j'ai déjà vu celles de mon cousin … c'est très très beau d'ailleurs.
    Les rues couvertes il en existe en France aussi à Paris ou à Lyon 😉

  2. Merci (même si comme je disais, ça fait bizarre d'être dans une ambiance "mariage" un an après les faits). 🙂

    Pour Lyon, je sais pas, mais les passages de Paris sont pas vraiment comparables avec ceux que l'on trouve au Japon.
    À Paris, c'est des vieux passages survivants du 19e siècle et dont l'importance sociale et économique est anecdotique aujourd'hui.
    Au Japon, ce sont de vraies rues, avec tout ce que l'on attend de trouver dans une rue commerçante (magasins divers, restaurants, etc) mais piétonniers et couvers.

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