Comme vous le savez si vous vous intéressez à la Setouchi Triennale et/ou si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, ce week-end a début la session d’automne de l’édition 2013 du festival et cette session accueille pour la première fois les îles d’Awashima, Takamijima et Honjima.
C’est là que je me suis rendu le week-end dernier et ce fut une expérience des plus intéressantes.
Quelque part, essentiellement parce que je ne connaissais pas du tout Awashima et Takamijima et aussi parce que les îles et leurs habitants eux-mêmes font l’expérience de la triennale pour la première fois, j’ai retrouvé quelques unes des sensations et de l’excitation connues il y a trois ans, lorsque je faisais la découverte du festival – connu alors sous le nom de Setouchi International Art Festival – ainsi que de pas mal des îles pour la même occasion.
Plus que des oeuvres, dans cet article, je vais surtout vous faire part de mes impressions du week-end et des îles, en commençant par :
Awashima
Cela faisait longtemps que je voulais me rendre sur Awashima. J’en entends plus ou moins irrégulièrement parler depuis 2010 et apparemment il s’y passe pas mal de trucs, chose qui me surprenait, car nous savons tous que le problème des îles de la région c’est qu’elles sont en train de mourir à petit feu, c’est la raison même de l’existence de la Triennale : d’empêcher cette mort. Et avant même mon arrivée sur l’île, à la gare de Takuma dans la ville de Mitoyo dont dépend l’île je remarque que les petits plats ont été mis dans les grands pour cette entrée d’Awashima dans le groupe des îles de la Setouchi Triennale. Des posters spécifiques à Awashima, des T-shirts spéciaux pour les bénévoles accueillant les visiteurs (pas les T-shirts habituels des bénévoles) et tout un tas de petits détails de la sorte. La sensation se précise arrivés au port de Suda d’où partent certains des bateaux pour Awashima. L’organisation est vraiment importante pour une si petite ville et une si petite île. Sinon, oui, vous avez bien lu, j’ai dit « les bateaux » car se sont plusieurs bateaux qui permettent d’accéder à Awashima et ce depuis plusieurs ports.
À noter aussi la flexibilité dans l’organisation. Un reproche que je fais souvent à l’organisation de la Triennale, c’est le peu de bateaux et de bus permettant d’accéder aux divers sites. Malgré l’afflux très important de visiteurs, bien souvent les horaires sont les mêmes qu’en dehors de période festivalière. Parfois, les contingences matérielles sont responsables de la chose (le nombre physique de bus ou de bateaux existants sur cette ligne), d’autres fois, je me demande un peu pourquoi.
Là, à Takuma, quand nous voyons la navette nous menant au port, nous demandons à quelle heure elle va partir, on nous répond « dès qu’elle sera pleine. » À Suda, alors qu’il restait encore une bonne vingtaine de minutes avant l’heure du départ du bateau, mais que le nombre de personnes approchait le maximum de la capacité, nous fûmes tout simplement invités à embarquer et nous partîmes 20 minutes en avance, un autre bateau remplaçant le notre pour partir lui à l’heure indiquée.
Une flexibilité pas très japonaise, mais dont je suis un partisan.
Arrivés sur Awashima, une autre surprise. Il y a vraiment beaucoup de monde et d’activité sur cette île, et pas que des visiteurs. Effectivement, pour je ne sais quelle raison, Awashima semble bien moins affectée par la dépopulation que ses voisines. Une population qui semble assez importante, des restaurants et des échoppes de souvenirs un peu partout, quelques permanents et pas mal de temporaires. Bref, on se penserait sur une petite île touristique un peu n’importe où sur la planète.
Je n’ai pas encore totalement percé le mystère de la vigueur de cette île, mais peut-être cela provient-il du fait que jusqu’en 1987, elle hébergeait l’une des meilleures écoles de marins du Japon, et donc l’exode qui touche toutes les îles de la région depuis 50 ans environ, voire plus, ne toucherait Awashima que depuis une grosse vingtaine d’années. En l’absence de plus de détails, c’est ce que j’en déduis. Il me faudra visiter l’île plus en détails (et hors festival) pour en apprendre plus.
Et c’est un peu mon problème lors de cette première visite.
Ne croyez nullement les blogs, guides, voire même le site officiel de la Triennale quand ils vous disent que les petites îles peuvent être visitées en quelques heures. Je n’étais pas trop chaud à l’idée de visiter trois îles en deux jours, mais je comprends les contingences qui nous ont fait prendre cette décision. Sauf qu’en fait, c’est une très mauvaise idée. J’ai la sensation de n’avoir presque rien vu d’Awashima, nous sommes allés, assez rapidement, d’oeuvre en oeuvre, sans prendre le temps de vraiment découvrir l’île, ni même totalement certaines oeuvres. Pire, nous n’avons même pas eu le temps de voir toutes les oeuvres. Bref, pour cette visite d’Awashima nous avons fait tout ce que je déconseille lors d’une visite de la Setouchi Triennale.
Donc un petit rappel : c’est pas grave si vous ne voyez pas tout, la chose principale à faire quand vous visitez la Triennale, c’est de prendre votre temps, de vous imprégner de l’atmosphère locale, de découvrir l’île autant que les oeuvres d’art qui s’y trouvent.
Les oeuvres d’art d’Awashima, parlons-en un petit peu (certaines auront droit à leur article dédié – si je trouve le temps). Je les ai trouvé toutes assez intéressantes, mais aucune ne m’a vraiment complètement fasciné non plus. Peut-être cela est-il dû à cette erreur de s’être pressés et de ne pas les avoir appréciées à leurs juste valeur. Je ne sais pas. Pour je ne sais trop quelle raison, ce ne sont pas les plus photogéniques non plus.
Néanmoins, il ne me tarde qu’une chose, de retourner sur Awashima pour réparer cette erreur et découvrir vraiment l’île ainsi que ses oeuvres (nous y retournerons peut-être avant la fin du festival.
Donc premier bilan pour Awashima : une île qu’il me faut absolument découvrir, pour de bon, en prenant mon temps.
Et si nous nous sommes tant et trop pressés, c’était pour nous rendre à notre deuxième destination :
Takamijima
Je ne savais encore moins de choses à propos de Takamijima que je ne savais à propos d’Awashima, c’est-à-dire rien à part quelques mots que M. Oshima avait glissé au détour d’une conversation il y a quelques semaines.
Encore une fois, il s’agit d’une île très singulière. Il y a deux villages, séparés par le port, celui au sud, au bord de l’eau est peuplé d’environ une centaine d’habitants, l’autre au nord, littéralement à flanc de falaise est pratiquement complètement abandonné. Comme toutes les oeuvres sont dans le village abandonné, je n’ai rien vu de l’autre village, celui qui est habité.
Cette île a dû être assez intéressante à l’époque où elle fut habitée, mais même si comme pour les autres îles, je me désole des situations démographiques dans lesquelles elles sont, dans le cas de Takamijima, la question que je me pose est pour quelle raison ce village fut construit de manière si peu pratique. Une fois de plus, je ne connais rien de l’histoire de l’île, mais je dois avouer avec regret que je comprends pourquoi il est aujourd’hui abandonné. Autant je me demande souvent pourquoi il n’y a pas plus de gens qui veulent vivre sur les îles, dans le cas de Takamijima, la question que je me pose est plutôt de l’ordre est pourquoi des gens ont voulu y vivre à la base. Je suis sûr que je regretterai de m’être posé cette question quand je connaîtrais mieux l’histoire de l’île, mais pour l’instant, j’ai du mal à ne pas me la poser.
Pour y accéder, une rue en pente forte, très forte par moments. Ensuite, une fois dans le village, à part deux « artères » principales circulant d’un bout du village à l’autre horizontalement (le village est donc tout en longueur), ce sont des escaliers à défaut de rues qui connectent les différents bâtiments et ruelles du village.
Un conseil : je vous déconseille de prendre une poussette si vous avez des enfants en bas âge avec vous… Oh et pas de consigne où laisser vos bagages au port. Ça peut compliquer un peu les choses quand vous n’allez pas rentrer chez vous le soir même et que donc vous portez un gros sac-à-dos en plus de pousser votre fille de un an et demi dans sa poussette.
Bref, vous l’aurez compris, cette visite de l’île ne fut pas des plus plaisantes pour des raisons purement matérielles. Et si sur Awashima, le problème fut que je n’ai pas eu assez de temps pour vraiment la découvrir, sur Takamijima, nous avons eu assez de temps, mais nous étions trop épuisés pour visiter plus en avant en dehors des oeuvres d’art. Ça est le fait que déambuler dans un village entière abandonné est un peu déprimant. En fait, de temps en temps, j’avais une image glaciale du futur : et si dans 10 ans ou 20 ans, je me retrouvais ainsi à marcher dans les rues désertes d’Ogijima ou de Teshima, juste pour voir des oeuvres d’art au milieu d’un village mort.
Cette sensation, presque omniprésente après un moment me mit très mal à l’aise, surtout que le contraste avec l’activité d’Awashima était saisissant.
Bilan : une partie de moi veut apprendre à connaître l’histoire de cette île. Une autre partie pense qu’elle est surtout un exemple ce ce qu’il risque d’arriver aux autres îles de la région si les choses ne changent pas rapidement (oui, j’ai du mal à voir comment Takamijima pourrait être sauvée, mais encore une fois, je ne sais presque rien de celle-ci).
Le soir direction Marugame ou nous avons passé la nuit avant de nous rendre à notre destination du lendemain :
Honjima
Je connais déjà un peu Honjima, je l’avais visitée il y a un an, presque jour pour jour, et elle est assez connue dans la région de part son histoire singulière : réputée pour ses marins, les meilleurs du Japon, Honjima pendant la Période d’Edo ne dépendait d’aucun Daimyo et répondait directement au Shōgun. De ce fait, les marins de Honjima constituaient plus ou moins la flotte privée de ce dernier dans la Mer Intérieure de Seto, et – entre autres choses – menaient parfois pour lui ses guerres navales privées ou autres expéditions punitives du genre. La plupart des histoires de piraterie de la région proviendrait de la crainte que les autres îles de la région éprouvaient à l’encontre des marins de Honjima. Mais je vous raconterai tout cela plus en détails un autre jour.
J’aime bien Honjima. Elle est sérieusement dépeuplée de nos jours, mais j’aime vraiment son atmosphère, ses rues, ses anciens marais salants qui ont de faux airs floridiens, son histoire singulière, et le village de Kasashima qui est tout simplement magnifique.
En fait, je suis même assez surpris que les oeuvres de la Setouchi Triennale soient presque toutes loin de Kasashima, mais la raison est peut-être tout simplement qu’il n’y a que peu ou pas de maisons abandonnées dans le village (elles ont presque toutes un propriétaire, même si parfois celui-ci vit loin).
Quoiqu’il en soit, nous avons passé une très bonne journée relaxante et intéressante (une fois de plus : visiter plus d’une île en un jour est une très mauvaise idée)
Bref, comme d’habitude, ces trois îles ont chacune leur propre identité, et je vous conseille chaudement de les découvrir, chacune vaut le détour pour des raisons qui leur sont propres.
En fonction de temps et de l’énergie à ma disposition j’essaierai de vous parler de certaines oeuvres avant la fin du mois (même si je suspecte un certain nombre d’entre elles d’être permanentes) ainsi que des autres coins et oeuvres de la Setouchi Triennale 2013.
Je vous rappelle qu’il vous reste 27 jours pour la visiter.
En ce qui me concerne, mon programme pour ce week-end, c’est très certainement un retour sur Teshima (que je n’ai encore qu’à peine vue cette année) ainsi qu’un évènement particulier sur Takamatsu.
À suivre…
En savoir plus sur Ogijima
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Salut David,
Nous te souhaitons une magnifique triennale de fin d’année ! Nous aurions vraiment aimé être à tes côtés pour cette dernière partie de l’événement mais nous sommes contraints de rester en France… où il commence à faire froid.
L’avenir « glacial » que tu évoques à propos de ces îles est renforcé aussi par certaines oeuvres qui attirent l’attention du visiteur sur cette présence/absence de l’autre dans des maisons parfois oubliées. Nous avions déjà ressenti cela cet été dans des îles pourtant encore « relativement » préservées.
Toutes nos amitiés à la petite famille !
Et au plaisir de continuer à te lire.
Axio and co 😉
Oui, un certain nombre d’oeuvres prend cette dépopulation comme thème. Justement aujourd’hui, je m’interrogeais à ce sujet (avec la nouvelle oeuvre du Sunport qui joue aussi là-dessus).
D’un côté, cela attire l’attention des visiteurs sur le problème et ça c’est une bonne chose, mais il ne faudrait pas non plus que cela devienne un thème majeur de nombreuses oeuvres, ça pourrait être contreproductif.