Nouvel épisode de « j’apprends à devenir Guide pour la Triennale de Setouchi… ou pas… ».
Aujourd’hui, après Shodoshima, je vous parle de ma journée d’hier qui consistait à faire le tour de Teshima. Une fois de plus, littéralement, mais cette fois-ci, ce n’était pas une première, je l’ai déjà fait maintes fois, parfois même en vélo. 😉
Nous avons eu la chance une fois de plus d’avoir un temps superbe, même si j’ai du mal à m’en réjouir. 22-23°C à la mi-novembre ce n’est pas normal, et j’ai de plus en plus de mal à penser au futur en des termes qui ne soient pas sombres.
Mais essayons d’être positifs pour le reste de cet article.
Cette fois-ci, nous nous sommes rendus sur l’île par bateau-taxi. Beaucoup plus rapide qu’un ferry normal, mais il est déconseillé d’être sujet au mal de mer.
Une petite remarque pour débuter. Il y a encore 4-5 ans, lorsque je me rendais sur Teshima, il n’était pas rare que je sois le seul Occidental sur l’île ce jour-là. Hier? Nous n’avons croisé qu’une poignée seulement de visiteurs non-Occidentaux. Oui, l’île commence vraiment à devenir célèbre en Occident, plus même qu’au Japon. Je ne sais pas encore si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais je ris un peu sous-cape quand je lis sur certains blogs ou voire des magazines et journaux plus professionnels que nous sommes là « en dehors des sentiers battus. » Ils sont quand même sacrément en train de se faire battre ces sentiers.
Première étape de la journée : la Teshima Yokoo House dans le village de Ieura.
J’ai jamais trop su si j’aimais la Yokoo House ou pas. Je dirais que j’adore le bâtiment mais que je suis moins fan des tableaux qu’il contient. Quoique, cette fois-ci, en prenant notre temps de bien s’arrêter devant chaque tableau, avec un guide nous les expliquant, j’avoue les apprécier un peu plus. Un conseil : ne pas forcément les considérer chacun individuellement, mais plutôt les uns en rapport aux autres, à la maison elle-même, voire même à Teshima. Je ne peux malheureusement pas expliquer plus en détails puisqu’il n’est pas possible de prendre des photos à l’intérieur.
Notez que cette photo n’est absolument pas photoshoppée d’aucune sorte (et c’est la dernière photo que vous pouvez prendre avant d’entrer). Et que là aussi en m’arrêtant, j’ai remarqué un truc que je n’avais pas remarqué auparavant : les cyprès ne sont pas là par hasard. (indice: Arnold Böcklin).
Ensuite, nous sommes montés dans notre bus et avons donc entamé ce tour de l’île en allant à Ko (le village au sud de Teshima) où nous ne nous sommes malheureusement pas arrêtés. Le Teshima 8 Million Lab est fermé pour l’hiver, et si depuis des années j’entends parler de la fin prochaine de Distant Memory, cette fois c’est vrai. L’œuvre tombe littéralement en morceaux. Mais Chiharu Shiota est listée comme artiste pour l’an prochain. L’œuvre va-t-elle être reconstruite ou bien une nouvelle œuvre va la remplacer ? Aucune idée.
Puis direction Karato-oka (si vous n’êtes pas trop familiers avec la géographie de Teshima, comme pour le post précédent, je vous conseille de le lire avec une carte à côté. Pas de photos malheureusement (c’est le problème de ce genre de choses, on ne s’arrête pas où on veut ni quand on veut), mais cette partie de l’île, entre les deux villages, est vraiment son cœur en quelque sort. C’est là que pousse la majorité des choses qui y poussent (au fait, Teshima veut dire île d’abondance un nom pas usurpé), et si cela ne suffisait pas, cette route offre aussi certains des plus beaux paysages de la Mer de Seto.
En parlant de route, une partie de la route a été refaite depuis la dernière fois que j’y suis passé, par contre un « chantier » qui avait débuté il y a deux ans semble toujours en cours. Je me demande de quoi il s’agit, mais j’ai l’impression que c’est un grand terrassement.
Je ne vais vraiment pas assez souvent à Teshima ces dernières années, un an que je n’avais pas mis les pieds à Karato, un de mes villages préférés au monde. Nous nous y sommes baladés – trop peu – avons passé un peu de temps autour de Shima Kitchen. Un groupe de touristes anglo-saxons (pas trop sûr du pays) déjeunait sur la terrasse :
Ensuite, visite de Your First Colour. Surprenante « nouveauté » on ne peut plus y prendre de photos ! Benesse se serait-elle accaparé cette œuvre aussi ? Certainement. Dommage.
Nous avons ensuite déjeuné dans le « Community Center » de Karato. Le repas était bien plus convivial que sur Shodoshima quelques jours auparavant. L’ambiance de la première visite sans être mauvaise était très très calme. Très peu de gens communiquaient vraiment. Pas trop sûr du pourquoi. De la timidité certainement. Le format aussi n’aidait pas trop à la communication puisque nous avons passé la majorité de la journée dans le bus (avec le guide qui parle en permanence ou presque – c’est comme ça les visites guidées au Japon).
Là sur Teshima, c’était donc beaucoup plus convivial. Peut-être parce qu’à l’opposé, on a passé bien plus de temps dehors à marcher dans les rues des villages ? Aucune idée. Mais j’ai rencontré et discuté avec des gens assez intéressants, tous avec des profils uniques : un Hongkongais étudiant en anthropologie (et ancien – et futur ? – membre de Koebi-tai), un web-designer bilingue qui – comme certains de mes amis sur Ogijima – a décidé de s’installer sur Shodoshima parce que se réveiller avec vue sur la Mer de Seto le matin, c’est quand même mieux que sur un immeuble de béton), un natif de Kagawa qui rentrait de 12 ans passés à l’étranger (Chine et Singapour essentiellement) et une Japonaise qui elle rentrait de 30 ans (!) à New York, entre autres.
Après manger, nous nous sommes baladés dans Karato-oka, en particulier vers la source de Karato :
Les visiteurs font rarement attention à cette source même si nombreux sont ceux qui y passent devant, pourtant elle est d’une importance capitale dans l’histoire de l’île. Voyez-vous, la plupart des îles de la région n’ont pas de source d’eau, et elles ont été pendant très longtemps entièrement dépendantes de la pluie pour survivre ; mais pas Teshima. Teshima possède une source qui permettait aux habitants d’avoir de l’eau potable à volonté, mais surtout de pouvoir faire pousser de nombreux fruits et légumes et surtout… du riz ! Teshima était la seule petite île de la région à avoir des rizières (Shodoshima en a aussi, mais Shodoshima n’est pas une « petite » île à l’échelle de la région). Quelques lignes plus haut, je vous disais que la signification du nom de l’île c’était « île d’abondance » vous n’avez pas à chercher plus loin pour savoir pourquoi. Bien sûr de nos jours, l’île dispose de l’eau courante, mais il est dit que certains des anciens de l’île préfèrent toujours aller se ravitailler en eau à la source qu’ils trouvent bien meilleure.
Juste à côté de la source (en fait les deux sont plus ou moins liées), une des toutes premières œuvres de la Triennale de Setouchi, Particles in the Air de Noe Aoki que je vous ai déjà montrée de nombreuses fois. Par contre, comme je vois et lis souvent que les gens ne trouvent pas cette œuvre intéressante, quelques mises au point. Tout d’abord, regardez la photo ci-dessus, la source fait partie de l’œuvre d’une certaine façon (on en voit d’ailleurs quelques éléments – les rectangles au-dessus de la source à proprement parler). Ensuite, si on la regarde vite fait, on ne la trouvera pas intéressante, c’est sûr. Il faut s’y arrêter, user de son imagination et l’observer sous toutes les coutures, dans son contexte topographique : la source, la forêt derrière d’un côté, les champs et la mer de l’autre, sans oublier le dernier élément : le ciel. Et puisqu’on parle du ciel, un petit message à pas mal de gens la prenant en photo : vous vous trompez d’angle et de point de vue. Essayez plutôt celui-ci :
Après la visite de la source, la suite logique est l’un des plus beaux coins de Teshima : le Teshima Tanada Project.
Il s’agit des rizières en terrasse et autres champs (légumes, coton, etc) en terrasse situés entre Karato-oka et la mer – et donc en aval de la source. Ces rizières existaient depuis dieu sait quand, mais étaient tombées à l’abandon quand les effets de la dépopulation de l’île ont commencé à se faire sentir. Elles ont été rénovées et replantées en 2010 (et chaque année depuis) dans le cadre de la revitalisation de l’île et en association avec le Teshima Art Museum (que nous n’avons pas visité hier, et j’ai cru comprendre qu’il ne fera pas partie de la visite guidée officielle proposée par la Triennale – ce qui va en décevoir plus d’un).
Un magasin de fruits, « inaka-style. » Les gens qui se plaignent que les fruits sont trop chers au Japon, sortez un peu de vos mégapoles, ils n’y poussent pas très bien. 😉
Les moissons ont eu lieu la semaine dernière. Ça ressemble à ça :
La suite de notre voyage nous conduisit en bas de la colline, à Karato-hama où je ne m’étais pas rendu depuis trop longtemps. Comme je vous ai déjà dit, j’ai un amour tout particulier pour Karato, et depuis 2010, j’essaie de m’y rendre au moins une fois par an, le 21 octobre, pour son matsuri qui est un de mes préférés au monde (sauf que je l’ai encore raté cette année et je suis inconsolable).
Il ressemble à ça (je n’en avais pas reparlé depuis 2013 ici-même ? étonnant) :
À Karato-hama, nous sommes d’abord allés voir l’œuvre la plus amusante de toute la Triennale : No One Wins – Multibasket de Llobet et Pons (qui aurait besoin d’être rénovée un peu avant 2019, j’espère qu’elle recevra quelques coups de pinceaux pendant l’hiver) :
J’ai réussi un panier du deuxième coup (celui plus ou moins central), c’est pas rien quand on connaît mes talents de basketteur.
Mais Karato-hama est surtout connu et visité pour une autre œuvre :
Drôle d’œuvre que ces Archives du Cœur. Lors de ma toute première visite, je n’avais vraiment pas aimé. Donc du coup, je ne m’y rends pas souvent. Mais à chaque nouvelle visite, je l’aime un peu plus en fait. Donc j’avoue qu’après une petite appréhension en y arrivant, j’étais bien content d’y retourner finalement.
Notre visite de Teshima touchait bientôt à sa fin. Nous sommes ensuite rentrés à Ieura où nous sommes restés un petit peu avant que notre bateau ne soit prêt.
Un petit saut au Teshima Marché :
Puis hop dans le bateau :
Si j’ai passé le chemin aller à l’avant, presque dans la « câle », pour le retour j’avais une place de choix :
Et la vue qui va avec :
Voila. Prochain épisode, début décembre…
Pour l’instant je parle de ces visites dans une approche presque entièrement descriptive, mais une fois que cette formation sera terminée, je donnerai quelques détails à la fois sur les visites qui se préparent et quelques trucs plus personnels aussi peut-être.
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