Et si nous reprenions un peu cette rétrospective de la Triennale de Setouchi 2019 ?
Aujourd’hui, je vous emmène sur Oshima, probablement l’île la plus unique et « étrange » de la région.
Pour mémoire, l’histoire d’Oshima est quelque peu différente de celle de ses voisines. En effet, on y trouve le Sanatorium d’Oshima Seishoen qui, entre 1909 et 1996, fut une prison à ciel ouvert pour ses patients souffrant ou ayant souffert de la maladie de Hansen, plus connue sous le nom de lèpre.
En 1909, il fut décidé par le gouvernement japonais que quiconque souffrant de la maladie de Hansen devrait rester confiné indéfiniment dans un sanatorium conçu à cet effet. Il s’agissait certes d’hôpitaux, mais d’hôpitaux d’où l’on ne pouvait sortir et où l’on devait endurer toutes sortes de choses peu enviables (avortements forcés et choses similaires). Rien ne changea pendant des décennies, même après qu’il fut établit que la maladie n’était pas contagieuse contrairement aux idées reçues. Pire, le fait que la maladie fut éradiquée au Japon dans les années 60 et que tous ses patients en furent guéris ne changea pas non plus les choses !
La loi ne fut abolie qu’en 1996, et le gouvernement japonais n’a présenté ses excuses officielles à toutes les victimes de cette loi que l’an dernier, en 2019.
En d’autres termes, il s’agit d’une des tâches les plus sombres de l’histoire récente du Japon. Je serais tenté de dire, la seconde, juste derrière les atrocités commises pendant la deuxième guerre mondiale.
Toutefois, l’histoire des sanatoriums traitant la maladie de Hansen et de celui d’Oshima en particulier, ne s’arrête pas là. Et dans le cas d’Oshima, notons que c’est toute l’île qui avait été réquisitionnée et qui est le sanatorium. Donc, en 1996, quand les anciens patients furent libres de partir et de rentrer chez eux, la plupart n’avaient tout simplement plus de chez eux où rentrer. Ils avaient passé une bonne partie de leur vie sur l’île, ils n’avaient plus de famille. De plus, un bon nombre d’entre eux, en plus d’être d’un âge avancé, étaient atteints de diverses invalidités qui avaient été causés par la maladie à l’époque où ils en souffraient. Il était juste impossible pour une très grosse majorité d’anciens malades de réintégrer une société de laquelle ils avaient été exclus pendant si longtemps.
Il a dont été décidé par l’état qu’aussi longtemps qu’il y aura des anciens patients vivants, les sanatoriums resteront ouverts et la municipalité dont ils dépendent leur fournira tout ce dont ils auront besoin pour vivre.
Quand la Triennale de Setouchi débuta en 2010, il fut décidé d’y intégrer Oshima. C’était l’une des toutes premières fois que l’île était ouverte au public, et que les visiteurs purent découvrir son histoire et la réalité de la vie dans le sanatorium.
Depuis, l’art d’Oshima garde toujours une dimension éducative et informative à propos de l’histoire de l’île. Même si ses résidents, chaque année de moins en moins nombreux, continuent à mener une vie assez coupée du reste du monde, une certaine forme d’ouverture s’effectue peu à peu. Et surtout c’est une meilleure connaissance de cette partie de l’histoire du Japon et de Shikoku qui se développe et avec elle la conscience d’une nécessité de devoir de mémoire.
Après cette longue mais nécessaire introduction, laissez-moi vous montrer ce que l’on pouvait voir sur Oshima pendant la Triennale de Setouchi, l’été dernier. Notez qu’une bonne partie de ces œuvres est permanente, mais pas toutes. Le comité exécutif de la Triennale tarde un peu à publier la liste des œuvres qui seront disponibles pour 2020 mais sachez que presque toutes les œuvres décrites dans cet article devraient être encore là (voire toutes) et que l’on peut les visiter le deuxième week-end de chaque mois.
Notre visite débute au Café Shiyoru, le seul café de l’île, habituellement géré par les bénévoles de Koebi-tai. Il était fermé ce jour-là, mais on pouvait quand même y entrer car il héberge plusieurs œuvres.
Si vous êtes déjà allé sur Oshima avant 2019, vous allez vous dire que le Café Shiyoru ne ressemble pas à celui de vos souvenirs. C’est vrai et c’est parce qu’il a déménagé dans un bâtiment plus récent et surtout plus spacieux.
Et si vous ne vous êtes jamais rendus sur Oshima auparavant et que vous comptez venir dans la région parce que vous êtes amateur/amatrice d’art contemporain, sachez que l’art que vous trouverez sur l’île n’est pas toujours du « niveau » (même si je n’aime pas ce terme) de ce que l’on peut trouver sur les autres îles. Ce n’est pas le but. L’art d’Oshima est essentiellement ancré à sa communauté, presque toujours lié à l’identité de l’île, souvent réalisé en collaboration avec les habitants, et c’est bien mieux ainsi. Du « grand art » n’y serait, à mon avis, pas à sa place, hors de propos, voire même potentiellement néfaste à l’île.
Nous démarrons avec Storytelling Table Runner in National Sanatorium Oshima Seishoen de Tomoko Konoike. Il s’agit d’un série de « sets de table » (à défaut d’une meilleure description) que Konoike (prononcez « Kono-iké ») a conçu de façon à ce qu’ils décrivent des moments de la vie d’Oshima, racontés par ses résidents et son staff médical :
Je laisse les textes descriptifs en anglais à côté, en espérant que vous les compreniez (je n’ai malheureusement absolument pas le temps de les traduire, mais vous verrez, plus bas j’ai fait un effort sur d’autres textes).
Vous remarquerez d’ailleurs beaucoup de textes dans et autour des œuvres sur Oshima, beaucoup plus que sur les autres îles. C’est nécessaire car une fois de plus la mission principale de ces œuvres est d’être éducative. La bonne nouvelle c’est que la plupart de ces textes ont été traduits en anglais, ce qui n’était pas forcément le cas les années précédentes.
On trouve une autre œuvre de Tomoko Konoike dans le Café Shiyoru. Une installation vidéo intitulée Moon Landing. Je ne lui ai malheureusement pas consacré beaucoup de temps pensant retourner sur l’île avant la fin de la Triennale, mais cela ne s’est pas fait. Je suis presque certain toutefois qu’elle est encore visible dans le café quand celui-ci est ouvert (habituellement les deuxièmes week-ends de chaque mois).
Dans la pièce à côté du café, ne ratez pas une maquette géante d’Oshima réalisée par les bénévoles de Koebi avec l’aide des locaux. C’est un travail en cours depuis près d’un an, le week-end dernier encore certains membres de l’équipe s’y sont attelés. Mais, déjà l’été dernier, elle semblait pratiquement terminée, il est donc maintenant surtout question de la peaufiner dans les moindre détails. Et elle est effectivement assez incroyable. On ne pouvait malheureusement pas prendre de photos l’été dernier, peut-être parce qu’elle n’était pas achevée ? Pas sûr.
En sortant du bâtiment abritant Café Shiyoru et la maquette de l’île et en se dirigeant vers le nord, on tombe bientôt sur Blue Sky Aquarium de Seizo Tashima. L’œuvre est présente depuis 2013, mais M. Tashima revient régulièrement pour y ajouter des choses, la modifier, etc.
Je trouve l’art de Seizo Tashima très intéressant. Il peut sembler un peu trop simpliste, pas assez raffiné aux yeux de certains visiteurs, mais personnellement je lui trouve une poésie, une vie et une énergie qu’il n’aurait peut-être pas s’il était plus poli et plus détaillé.
Blue Sky Aquarium a donc transformé un ancien bâtiment résidentiel en un « aquarium » ou plutôt plusieurs, chaque pièce invitant le visiteur à entrer dans un nouvel univers, à la fois différent, mais aussi lié au précédent.
En quittant Blue Sky Aquarium, on traverse ensuite Forest Path (chemin forestier), toujours de Seizo Tashima. Il s’agit d’un petit jardin tout simple, mais avec des détails très intéressants ici ou là. Toutes les plantes qui y poussent sont endémiques de l’île et il a été conçu pour que visiteurs et résidents puissent faire une petite balade toute simple dans la nature sans avoir à trop s’éloigner. Surtout utile pour les résidents qui sont presque tous très âgés et plus ou moins handicapés selon.
Puis, une œuvre de Seizo Tashima, encore.
Elle s’appelle Life of N: 70 years on Oshima – A room with a wooden pot. (la vie de N : 70 ans sur Oshima – Une pièce avec un pot de bois).
À partir d’une calligraphie faite lors d’une performance en public, M. Tashima a conçu une installation occupant plusieurs pièces d’un ancien bâtiment autrefois résidentiel et narrant la vie sur Oshima de Monsieur N.
C’est probablement l’œuvre la plus émouvante de l’île, voire de tout l’Art de Setouchi.
Quand on lit l’histoire d’Oshima comme je vous en ai raconté les grandes lignes en début d’article, ça reste toujours un peu abstrait, vague. Mais quand on « zoome » sur des individus bien particuliers, réels, la dimension abstraite disparaît très rapidement et la réalité de ce dont il s’agit vraiment vous frappe dans toute sa violence et son horreur. Encore plus dans mon cas car il se trouve que j’avais brièvement rencontré Monsieur N lors de ma toute première visite de l’île en 2010 alors qu’il s’occupait de son jardin (et je l’ai entendu parler au moins une fois de plus quelques années plus tard). Même s’il a aujourd’hui plus de 70 ans, il est un des plus jeunes résidents d’Oshima, et il est en relativement bonne santé. De ce fait, ces dernières années, il était plus ou moins devenu le porte-parole officieux des résidents.
Il a été envoyé sur Oshima à l’adolescence, alors qu’il venait d’être diagnostiqué. Et s’il a pu être guéri assez rapidement, il n’en resta pas moins prisonnier de l’île pendant plusieurs décennies, et comme beaucoup d’autres, il y est resté par la suite, n’ayant plus de famille ni nulle part ou aller.
Quitter ma ville
Je pensais que j’allais être rapidement guéri et que j’allais pouvoir vite rentrer chez moi. Toutefois, ma mère n’avait pas pris le temps de se coiffer et courut après le bus qui m’emportait.
Travail forcé
Ceux qui, comme moi, n’étaient que peu atteints ont du s’occuper de ceux qui l’étaient gravement. La cuvette des toilettes ne suffisait pas.
Pot de chambre en bois conçu et réalisé par Monsieur N, reproduit en suivant ses instructions.
Mariage et avortement forcé
Je me suis marié et j’ai eu un enfant. Cela aurait dû être un événement heureux… Mais ce fut douloureux et triste…
J’ai rencontré ma femme. Parce que nous nous soutenions l’un l’autre, j’ai pu vivre sur cette île. Si je n’avais pas pu être avec elle, je serais mort.
m’a dit Monsieur N.
(c’est Tashima qui écrit les textes)
Vêtements de protection
Même si je dormais sur un tatami, les médecins portaient des tenues intégrales protectrices et gardaient leurs chaussures. Ils donnaient les médicaments avec des pinces qu’ils trempaient dans du désinfectant immédiatement après les avoir utilisées.
M. Mitsuda était un notable. Il était l’ami de la majorité des gens (qui avaient des préjugés), et ceux-ci l’appelaient « un homme respectable. »
Tashima commente :
Puis-je me permettre de critiquer M. Mitsuda ? J’ai passé 70 ans dans ce pays, tout comme Monsieur N. Et pourtant, jamais je n’avais appris ce qui est arrivé à Monsieur N. Jamais je ne l’ai su. Monsieur M, moi aussi je suis coupable.
(coupable d’ignorance et donc de permettre ce qui est arrivé à Monsieur N et aux autres malades et anciens malades)
Nous sommes guéris. Le fungus ne sort pas (?). M. Mitsuda ! Pourquoi nous avoir privé de liberté pendant plus de 30 ans ?
Le jardin de monsieur N, juste à la sortie de l’installation, là où je l’avais rencontré neuf ans plus tôt et là où il cultive encore fruits et légumes. Et une bouffée d’air frais, littéralement et figurativement, à la sortie du bâtiment.
Dans le bâtiment suivant se trouve Rare Feeler, la dernière œuvre d’art en date d’Art for the Hospital Project, Yasashii Bijutsu, le groupe d’artistes qui s’occupe de l’art sur Oshima depuis 2010. Ils travaillent dans divers hôpitaux à travers le Japon, en collaboration avec les malades, et ils se servent de l’art comme d’un outil thérapeutique.
Le nom de l’œuvre (difficile à traduire: « palpeur rare » ?) vient d’un poème (un haïku) écrit par l’un des résidents, dont voici le texte « officiel » en anglais.
No numbness yet in lips or tongue, rare feelers that serve in place of eyes, searching, I eat.
Que l’on peut traduire ainsi :
Pas encore de torpeur dans les lèvres ni la langue, palpeurs rares remplaçant les yeux, ils cherchent, je mange.
(si vous maîtrisez les haïkus mieux que moi et que vous avez une autre traduction à proposer, je suis tout ouï)
Juste après nous avons Sea Echo, toujours par Art for the Hospital Project, Yasashii Bijutsu. Le dernier bateau en bois de l’île est désormais exposé ainsi à l’intérieur d’un bâtiment où vivaient des résidents de l’île autrefois, comme tous les bâtiments où l’on trouve ces installations.
Je vous avais déjà parlé de cette œuvre, il y a quelques années. À l’époque on pouvait entrer dans le bâtiment qui hébergeait aussi une exposition de photos prises par un des résidents de l’île :
Finalement, Fuyuki Yamakawa occupe le dernier bâtiment de cette partie de l’île, ou plutôt deux de ses installations :
Tout d’abord, Strait Songs (chansons de détroit) où Yamakawa rend hommage aux résidents d’Oshima qui ont essayé de s’évader en nageant vers Shikoku et en traversant un petit détroit aux courants souvent dangereux. Je ne sais pas combien ont réussi dans cette entreprise risquée et ce qu’il est advenu d’eux après coup, mais je sais qu’un certain nombre n’a pas eu cette chance et qu’ils se sont noyés en essayant de retrouver la liberté. Yamakawa a nagé entre Oshima et Aji (le village sur Shikoku le plus proche d’Oshima, aujourd’hui un quartier de Takamatsu) et il a enregistré et filmé la chose :
Comme vous pouvez vous en douter, c’est plus intéressant à voir en vrai (et en vidéos) qu’en photos.
La seconde installation Ayumi Kitarite retrace la vie d’un poète de haïkus et résident d’Oshima, monsieur Mo Masaishi.
Fuyuki Yamakawa a « retracé ses pas » depuis sa région natale jusqu’en Mongolie où il fut prisonnier de guerre et ensuite Oshima où il fut envoyé dès la fin de la guerre et sa « libération » car il avait contracté la maladie de Hansen pendant la guerre et/ou en prison.
La dernière œuvre que l’on trouve sur Oshima est assez particulière. Je suis sûr que bien peu de personnes (en particulier d’Occidentaux) accepteraient d’appeler ceci de l’art, mais une des choses que j’aime avec l’Art de Setouchi, c’est que parfois, il n’hésite pas à remettre en cause la définition même du terme « art » .
L’œuvre s’appelle Ringwanderung et elle est de Tomoko Konoike. qui a réalisé les premières œuvres que nous avons vues aujourd’hui.
Pendant le temps qu’elle a passé sur l’île, Mme Konoike a découvert un chemin abandonné dans la forêt de la péninsule nord de l’île. Bien entendu, il était devenu impraticable après avoir été laissé à l’abandon pendant des années, voire des décennies, et elle a décidé de le rénover pour qu’il puisse de nouveau être utilisé, si possible par les résidents, et sinon, au moins par les visiteurs. Alors certes, oui, ce n’est « qu’un chemin ». Peut-être, mais je vous conseille quand même d’aller y faire un tour lors de votre visite d’Oshima (surtout s’il est toujours entretenu entre deux triennales). En plus d’une petite balade dans la nature, on y voit de magnifiques paysages de la Mer Intérieure de Seto sous des angles que vous n’avez jamais vu auparavant, et – du moins en 2019 – on y trouvait des petits écriteaux narrant des morceaux de vie sur Oshima. J’en ai pris quelques uns en photo et là aussi, je les traduis ci-dessous.
Faire le tour prend entre 20 et 30 minutes et surtout respectez bien les panneaux et les règles, pour votre propre sécurité, car le chemin passe parfois assez près de la falaise, et vous courrez le risque d’une mauvaise chute si vous sortez du tracé balisé.
La panneau bleu explique que le trajet prend 20 minutes (au rythme de visite japonais, donc comptez plutôt 30 sauf si vous voulez vraiment visiter au pas de course). Restez sur le chemin, ne passez pas de l’autre côté des barrières quand il y en a. Certaines parties du chemin peuvent être glissantes. De plus, avant d’entrer, laissez dans le registre votre nom, numéro de téléphone, nombre de personnes dans votre groupe et heure d’arrivée, et faites bien attention.
Peut-être un peu trop de précautions « à la japonaise » mais vous comprendrez que l’organisation de la Triennale n’a pas exactement envie d’avoir des visiteurs perdus dans une (certes petite) forêt ou pire, dont le corps sera sorti de l’eau le lendemain par un pêcheur qui n’en demandait pas autant.
Pour la petite histoire, nous étions effectivement les derniers visiteurs de la journée, et avant la fin du trajet nous avons été rattrapés par deux bénévoles de Koebi qui faisaient le tour et s’assuraient que tout le monde avait bien quitté le lieu en fin de journée.
Le texte dit la chose suivante :
« En 1933, un chemin circulaire fut créé autour de la colline à la pointe nord de l’île par des hommes âgés entre 17 et 30 ans et relativement peu atteints par la maladie. L’idée était d’avoir une route ouverte en ce lieu fermé et restreint qu’était l’île. Sans vraiment d’inspections préliminaires, ils ont marché à divers endroits, ont creusé dans la roche pour extraire du matériau pour le revêtement du chemin. L’association des femmes de l’île leur apportait le déjeuner et du thé et n’hésitait pas à donner un coup de main quand nécessaire.
Le chemin est divisé par la porcherie en un côté est et un côté ouest, et on peut l’emprunter dans la direction de son choix. Les côtes Est et Ouest de la montagne sont des falaises sur lesquelles les vagues se cassent en contrebas. Le chemin a une longueur totale de 1.5 km et il a fallu 250 personnes pour le creuser et le construire, entre le 4 février et le 1er mars de cette année-là. »
« La falaise est surnommée ‘le dos de cheval’ et les gens originaires de l’Est se tournaient vers leurs régions natales depuis ce point. Ils descendaient vers la plage où ils ramassaient des coquillages et des algues. Depuis ce point, on peut aussi voir, vers la gauche, l’extrémité nord de l’île qui est surnommée ‘le dos de vache’. »
« J’ai perdu le sens de l’odorat en premier. Puis j’ai perdu la vue, et je vécu alors dans un monde composé de sons. Dialoguer ainsi dans l’obscurité me donnait l’impression de parler à des fantômes, alors je pris l’habitude de tapoter les gens qui me rendaient visite. Bientôt la langue fut le seul organe où il me restait encore des sensations. »
« En suivant l’odeur, je suis finalement arrivé au laurier. J’ai secoué le tronc et des fruits sont tombés. Quand j’ai attrapé une brindille et l’ai apportée à ma bouche, quelque chose de dur a touché mes dents et j’ai entendu un petit craquement. Je fus surpris de sentir la branche avec mes lèvres et l’escargot qui était fermement agrippé au dos de la feuille. »
« Il n’était pas rare que quelqu’un essaie de s’échapper. Et les soirs calmes de mer sans vent étaient souvent salués par un « c’est une bonne journée pour s’évader. » Une nuit, dix personnes ont essayé de s’enfuir. C’était un nombre sans précédent. Deux femmes avec deux filles, un homme avec un garçon et quatre autres.
Pour s’évader, il y avait trois méthodes : voler un bateau, ou bien héler un pêcheur pendant la journée et prendre rendez-vous avec lui le soir, ou encore essayer de traverser le détroit à la nage. »
« Mettre quelque chose à la bouche et le sentir avec les lèvres, c’est ce que la plupart d’entre nous qui sommes aveugles faisons pour identifier les objets. Dans la salle de bains, par exemple, pour mettre ses chaussettes, ou même changer ses sous-vêtements, du kimono aux sous-vêtements, et finalement les sandales, s’assurer de tous les toucher avec les lèvres. »
« Ma cousine m’a dit : que t’arrive-t-il, Kimi-chan, ton visage a quelque chose de bizarre. »
« Les femmes, nous étions occupées à travailler, mais nous trouvions un peu de temps pour jouer à des jeux d’argent. C’est devenu notre passe-temps, même si c’est une activité qui n’était pas recommandée pour les femmes. Et comme il n’y avait que des femmes, nous nous rassemblions sans nous préoccuper de notre apparence et ne portions que nos okoshi (sous-vêtement de kimono) autour de la taille. Combien parions-nous ? Un sen ou deux. »
(note: un sen constitue un centième de yen, division retirée de la circulation en 1953)
Voila, c’est tout pour aujourd’hui. J’espère que cet article vous aura appris une chose ou deux sur la région, et surtout, vous aura donné envie de vous arrêter à Oshima lors de votre visite de la région. Je ne vous y invite pas pour les mêmes raisons que les autres îles, mais je pense qu’une visite de ce lieux à elle aussi son importance.
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