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Préparatifs de la Setouchi Triennale sur Shamijima

 

Pour ce deuxième épisode de ma série sur les préparatifs de la Setouchi Triennale 2013, je vous emmène sur Shamijima.

En fait, bien que je sois passé tout à côté, lors de ma première sortie / découverte de Kagawa il y a maintenant quatre ans, c’était la première fois que je me rendais sur Shamijima, une « île » assez singulière puisque l’on s’y rend sans prendre le bateau ni rien d’autre que le moyen de locomotion terrestre de son choix. Il se trouve juste que cette île a eu un destin bien particulier. Île minuscule au large de Sakaide, elle s’est effectivement retrouvée subitement rattachée à Shikoku quand fut bâti le Grand Pont de Seto et qu’une bonne partie de la côte de Sakaide fut fortement industrialisée et que de nombreux terre-pleins y furent installés. C’est par un de ces terre-pleins que Shamijima n’eut un jour d’île que le nom, tout en se retrouvant voisine directe du Pont. Du coup, aujourd’hui, on peut s’y rendre par la route tout simplement. Et si la vue depuis son port n’est pas des plus belles (on est aux premières loges des piliers du Grand Pont, et d’une énorme zone industrielle juste derrière), elle a toutefois gardé son calme et charme d’île de la Mer Intérieure de Seto. De plus, ce rattachement à Shikoku a eu un effet bénéfique dans le sens où Shamijima ne souffre pas du dépeuplement dont souffrent toutes ces voisines. Personne ne quitte l’île de nos jours, puisqu’elle n’est plus une île, mais simplement un quartier un peu isolé et très charmant de Sakaide. Si bien que malgré sa taille minuscule, il y a encore environ 110 habitants, et la moyenne d’âge n’est pas forcément plus élevée que sur le reste de Shikoku. J’y ai même vu quelques maisons récemment bâties, une rareté sur les autres îles de la région.

Mais en ce lundi, nous n’étions pas venus explorer l’île (ce sera pour une autre fois), mais découvrir les oeuvres d’art en construction pour la Setouchi Triennale qui démarre dans près de 15 jours.

Pour ce mini-voyage, « nous » c’étaient Cathy Hirano (qui s’occupe de plus en plus officiellement d’une bonne partie de la communication de la Setouchi Triennale en anglais, en particulier la catégorie News du site officiel et la page Facebook en anglais), 康代, 華 et moi.

À peine sortis de la voiture, nous tombâmes sur une forme étrangement familière, je veux parler Stratums, la colline artificielle que Tanya Preminger est en train de construire. De tous les interviews que j’ai menés jusqu’à présent – je ne les ai pas encore tous publiés – Mme Preminger est donc la première artiste dont je vois l’oeuvre de mes yeux. C’était assez fascinant de voir en vrai, une oeuvre que je connaissais déjà, mais juste à travers une image conceptuelle.

Bien évidemment, elle n’est pas encore terminée , et le chantier allait bon train quand nous sommes arrivés :

 

Shamijima - Stratums Preview

 

Shamijima - Stratums Preview - 2

 

Alors que nous nous approchions, je me demandai si Tanya Preminger serait sur place, ou bien si elle supervisait tout cela d’une certaine distance. J’eu très rapidement ma réponse en regardant en haut de la petite colline artificielle :

 

 

Non seulement, elle mettait la main à la pâte, mais en plus, elle travaillait plus dur que tout le monde. Quand nous demandâmes au responsable de Koebi-tai qui nous a accueillis à quelle heure nous pourrions repasser plus tard pour pouvoir parler avec elle quand elle serait moins occupé, il l’interpella et lui demanda de descendre tout de suite. Il nous expliqua qu’ainsi ça la forcerait à faire une pause, sinon elle était capable de rester quelques heures de plus là-haut sans s’arrêter.

Elle descendit donc nous rencontrer et discuter un petit peu avec nous. Lors de nos échanges par e-mail, je la sentais un peu stressée, inquiète ; je présupposai que la raison était que le lieu qu’elle avait choisi pour son oeuvre n’avait pu être sélectionné, et elle ne savait pas trop où ni comment la chose allait aboutir. C’est une personne totalement différente que j’ai rencontrée hier. Rayonnante de joie et d’entrain, avec un côté presque enfantin (dans le bon sens du terme). Elle était là, en train de faire ce qu’elle aimait le plus au monde, mettre les mains dans le cambouis – ou plutôt dans la terre. Ça faisait vraiment plaisir à voir.

Je sais que chaque artiste a sa propre façon de travailler, ses disponibilités, indisponibilités et autres ; mais je suis toujours un peu déçu quand j’entends que tel ou tel artiste – pas seulement pour la Triennale, je parle de manière générale ici – a seulement conçu les plans de son oeuvre, mais ne l’a pas vraiment réalisée, qu’il a supervisé tout cela depuis son bureau, parfois sans même se rendre sur place. Et j’avoue que dans le cas d’une telle oeuvre, émanant d’une femme qui n’est quand même plus très jeune, c’est un peu ce à quoi je m’attendais. Vous imaginez donc ma surprise quand je pris conscience que la silhouette en haut de la petite colline était Mme Preminger.

Autre anecdote amusante et dans cette lignée, quand en discutant un peu de l’oeuvre, nous avons demandé s’il était possible de la photographier, les membres de Koebi-tai nous ont gentiment dirigé vers les rendus conceptuels affichés sous la tente servant de bureau. Tanya Preminger les arrêta, leur disant et nous disant que si on voulait prendre des photos, ce serait sur l’oeuvre, les pieds dans la terre qu’on aurait les meilleures photos. Dont acte :

 

 

Nous n’avons pas parlé beaucoup plus, l’artiste était pressée de retourner sur son oeuvre, mais même s’il est indéniable qu’elle était très occupée, ce n’est pas parce qu’on la dérangeait qu’elle était pressée de repartir, mais parce qu’elle passait vraiment un excellent moment sur sa butte de terre, à diriger la pelleteuse entre deux coups de pelle.

Merci encore Mme Preminger pour cet accueil chaleureux.

Il me tarde de voir l’oeuvre terminée, même s’il s’agira d’une oeuvre qui évoluera constamment, car des plantes y pousseront. D’ailleurs, il est évident que dans deux semaines, il n’y aura pas des tonnes de végétation dessus (je présuppose que des carrés de gazon y seront posés ou quelque chose du genre, et Tanya Preminger nous a conseillé de revenir dans plusieurs mois quand les plantes auront eu le temps de pousser.

 

Après avoir déjeuné à Sakaide (un des avantages d’avoir une île qui n’est pas une île), notre prochaine étape fut l’ancienne école de Shamijima (si l’île n’est pas trop touché par « l’exode insulaire » qui affecte la région, elle reste touchée par le vieillissement général de la population japonaise) où se sont installés plusieurs artistes de la Kobe Design University.

Nous sommes d’abord entrés dans la salle de classe qui hébergera SHIRO de Kentaro Hayashi.

Trois hommes étaient occupés à la future installation. La pièce a été complètement repeinte en blanc, et l’installation sera essentiellement composée d’une vidéo projetée sur le mur et le tableau. Ils étaient en train de l’essayer sur le site et de l’ajuster pour la première fois quand nous sommes arrivés. S’ils étaient très sympas, ils étaient par contre peu loquaces, je ne sais même pas si M. Hayashi était l’un des trois ou non. Ils nous ont quand même donné la primeur de leur installation qui je l’imagine sera très belle et poétique :

 

 

Shamijima - Kobe Design University Project Preview - 1

 

Nos deux rencontres suivantes dans l’école furent deux hommes si occupés qu’ils ont à peine levé la tête pour nous autoriser à entrer. Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils ? Aucune idée.

 

Shamijima - Kobe Design University Project Preview - 4
Trop occupé pour discuter.

 

Une autre oeuvre dans l’école sera From a Nameless Island de Mitsuo Toyazaki. Pour cette oeuvre, le couloir principal de l’école est devenu orange et bleu, et inclura des morceaux de polystyrène flottants dans l’air :

 

Shamijima - Kobe Design University Project Preview - 6

 

 

Hana se promène
Et puis comme il faisait beau, 華 en a profité pour continuer à s’entraîner à marcher.

 

Gorille blanc sur Shamijima
Souvent sur les îles de la région, on fait des rencontres assez inattendues.

 

 Ensuite, nous nous sommes dirigés vers la plage ouest de Shamijima où Kobe Design University sous la direction de Tetsuro Fujiyama + Tomii Architect & Associates sont en train de finir de construire une « Umi no Ie », une « maison de plage », bâtiments que l’on retrouve le long des plages japonaises et où l’on peut acheter à manger, à boire, etc. Dans la maison seront servis divers plats dont la Island Soup dont la recette est en train d’être conçue par EAT & ART TARO avec la participation des habitants de Shamijima, Honjima et Ibukijima en n’utilisant exclusivement que des produits venant de ces trois îles (et elle sera servie sur les trois îles bien évidemment).

 

 

Sur la plage d’autres oeuvres seront installés, en particulier la prochaine dont je vais vous parler dans quelques lignes.

Mais avant nous avons croisé une petite équipe (deux personnes) d’une télé de Shikoku qui faisait plus ou moins la même chose que nous :

 

 

Avec tout ça, je réalise par contre que j’ai pris bien peu de photos de l’île en elle-même. En voici toutefois quelques-unes :

 

Sanctuaire sur Shamijima

 

Narcisses sur Shamijima
Les narcisses sont en fleur, l’hiver touche enfin à sa fin.

 

 

Plage nord sur Shamijima
Plage nord de Shamijima.

 

Crique sur Shamijima
Cette petite crique est certainement la plus belle plage que j’ai vue au Japon (dommage que la vue depuis celle-ci ne soit pas aussi magnifique : le Grand Pont de Seto et la zone industrielle portuaire de Sakaide)

 

Finalement, nous avons rencontré Yasuaki Igarashi qui nous a montré les préparatifs de son oeuvre Sora-Ami: Knitting the Sky qui sera bientôt installée sur la plage ouest, près de la « maison de plage ». Son amie (compagne ?) et lui étaient très accueillants et sympas avec qui nous aurions aimé passer plus de temps (mais une fois de plus, tout le monde était très occupé).

D’ailleurs, si vous venez à la Setouchi Triennale, vous viendrez certainement pour l’art, mais vous comprendrez vite que ce qui la rend exceptionnelle, ce sont les îles et les gens sur ces îles, que ce soient la plupart des artistes ou les habitants (même si la plupart des artistes ne resteront pas tout le temps du Festival).

Ne vous étonnez pas de la présence de futons pliés et vêtements dans les photos suivantes, la pièce où Yasuaki nous a accueillis sert d’atelier le jour, mais c’est aussi son logement la nuit. 🙂

 

 

Et c’est avec ces filets que se conclut cet article un peu long. Vraiment, je n’attendais pas grand-chose de Shamijima et je fus agréablement surpris tout au long de cette journée, et il ne me tarde qu’une chose, c’est d’y retourner pendant la Triennale, qui débute maintenant dans 15 jours !

Prochaines étapes : malheureusement le week-end prochain, je ne pourrai aller nulle part, mais comme ce jeudi je ne travaille pas (et ils annoncent un temps printanier), je vais essayer d’aller voir quelques préparatifs à Takamatsu même, sinon les 17 et 18 mars, je vais essayer de caser Ogijima (de nouveau, oui, oui) Megijima (sauf si comme d’habitude je passe trop de temps sur Ogi et n’ai ensuite pas le temps de m’y rendre) et Shōdoshima. On va voir si j’y parviendrai.

 

 

 

4 commentaires sur “Préparatifs de la Setouchi Triennale sur Shamijima”

    1. Merci beaucoup.
      Tu comptes te rendre à la Triennale ?
      Pour les interviews ça se tasse un peu en ce moment (les artistes sont vraiment tous très occupés), mais je prépare une seconde salve pour dans quelques semaines, soit des interviews « compte-rendus de printemps » ou toujours de preview, mais avec des artistes dont les oeuvres ne feront leur début que cet été ou automne.

  1. La fourmilière est plutôt imposante, tu sais ce que deviendront ce genre de construction, une fois la le dernier évènement clos ?

    1. C’est vrai que pour l’instant l’oeuvre ressemble surtout à une fourmilière, mais une fois terminée, elle sera recouverte de gazon et/ou d’autres plantes. Mais elle est effectivement assez imposante.

      Sinon, si je me base sur l’édition 2010 de la Triennale, certaines oeuvres sont permanentes (c’est forcément le cas de Stratums), d’autres seront démontées à la fin du Festival, d’autres encore auront une durée de vie indéterminée (certaines oeuvres de 2010 n’ont été démontées qu’à l’Automne dernier, ou par exemple, House of Shodoshima avait été démontée en 2011 parce qu’elle avait mal passé l’hiver, mais elle est en train d’être reconstruite, etc.)

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