Aujourd’hui, nous nous éloignons un peu de l’art contemporain pour nous replonger dans l’art traditionnel. Souvenez-vous, en octobre nous étions au Japon pour assister au Setouchi International Art Festival, mais aussi pour apprendre plus de choses sur les traditions de la Préfecture de Kagawa. Nous avions commencé avec les bonsaïs, puis continué avec le sucre Wasanbon, aujourd’hui, je vais vous parler de notre troisième et dernière étape (en attendant de futures lors de nos prochains séjours) : les Sanuki Kagari Temari (讃岐かがり手まり).
Qu’est-ce donc ?
Pour commencer à y répondre, décortiquons d’abord ces trois termes :
- Sanuki : C’est l’ancien nom de Kagawa. C’est pour cela qu’on le retrouve souvent ici ou là dans la région (Je vous ai déjà parlé des Sanuki Udon que vous connaissez de toutes façons certainement déjà).
- Kagari : Si j’ai bien tout compris, cela veut dire « recoudre ».
- Temari : Littéralement, ça veut dire « balle à main ». Il s’agit de balles introduites au Japon depuis la Chine il y a un peu plus de 500 ans. Longtemps elles servirent pour jouer, aujourd’hui elles sont considérées comme des objets décoratifs.
Voila, vous êtes un peu plus avancés, mais pas beaucoup plus…
Et avec une photo ?
Quelques lignes sur l’historique des Temari :
Comme je vous le disais quelques lignes plus haut, les Temari sont arrivés au Japon il y a 500-600 ans. Au début, ils étaient réservés aux nobles et autres samouraïs, car faits de soie et donc trop chers pour le peuple. Mais pendant l’Époque d’Edo, le peuple commença à créer des Temari de coton. Or, vous le savez peut-être, le coton était l’une des productions principales de la Province de Sanuki, et donc les habitants de la région commencèrent à créer de plus en plus de Temari en coton.
Au début, ces Temari étaient très simples, plus ou moins de simples boules de fils de coton. Puis, peu à peu, à l’aide de fils colorés (à bases de teintures naturelles), les gens commencèrent à en confectionner avec des motifs plus complexes, à l’image des Temari en soie des nobles. Ceux-ci devinrent de plus en plus populaires si bien qu’à la fin de l’Époque d’Edo, l’on trouvait des Temari de coton dans tout le Japon.
Pendant les Ères Meiji et Taishō, on peut parler d’un âge d’or du Temari, les filatures de coton se mécanisant, le Temari se démocratisa encore plus au point de faire partie intégrante de la culture japonaise. Il existait même des chansons ayant pour thème les Temari.
Mais l’industrialisation se poursuivant, les balles en caoutchouc arrivèrent bientôt au Japon et remplacèrent rapidement les Temari qui tombèrent en désuétude. Ce fut la fin du Temari de coton.
Après la guerre, un résident de Kan’Onji, dans l’ouest de Kagawa, M. Kazuo Araki, commença à s’intéresser aux Temari de coton qui avaient alors disparu. Il fit de longues recherches, interrogea d’anciens fabricants. Avec l’aide de Yaeko, son épouse, couturière qui réalisait des kimonos teints et divers objets d’arts folkloriques, il entreprit de fabriquer des Temari, mais cela s’avéra plus difficile que prévu, certaines techniques traditionnelles et secrets de fabrication avaient bel et bien disparu, tout particulièrement les techniques de teintures, toutes réalisées à base des racines, fleurs, feuilles de plantes locales.
Ils se rendirent alors à Matsumoto, où ils apprirent les techniques de fabrication de Temari locaux. De même, ils visitèrent toutes les régions du Japon où des Temari avaient été fabriqués pour faire à la fois un véritable travail d’archiviste et d’historien, mais aussi pour apprendre à maîtriser les diverses techniques pour finalement, au bout de près de 30 ans d’efforts et de recherches, arriver à reconstituer les techniques de la Province de Sanuki. Ils réussirent à ressusciter les Temari de Sanuki qu’ils renommèrent Sanuki Kagari Temari.
Aujourd’hui, les Sanuki Kagari Temari sont classés comme Objets d’Arts Traditionnels (un équivalent de l’AOC mais pour l’artisanat si j’ai bien tout compris) et sont « gérés » par l’association Sanuki Kagari Temari Hozonkai qui est aujourd’hui dirigée par Eiko Araki, la belle-fille de Kazuo et Yaeko Araki. L’association bien évidemment, préserve les techniques de fabrication des Temari, mais aussi plus simplement en fabrique, dans le but que les gens de Kagawa (et du reste du Japon) puissent les redécouvrir, (et les Français aussi maintenant).
Bref, une belle initiative dans un Japon qui perd ses traditions de plus en plus.
Sources: Un grand merci à l’association Sanuki Kagari Temari Hozonkai et à Eiko Araki pour nous avoir accueillis et pour toutes ces informations (qui sont aussi sur leur site si vous lisez le japonais), et bien évidemment à 康代 pour la traduction.
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