J’avais interrompu mon récit du Matsuri sur Teshima avec une petite vidéo montrant les participants en train de se livrer à un petit « duel », Taikodai contre Mikoshi (le sanctuaire étant dédié à Hachiman, cette démonstration de force faisait plus ou moins partie du rituel, mais sa dimension purement ludique n’était pas à négliger) puis tous descendre vers la route pour se rendre au port de Karato.
Arrivés au bas de la colline, une pause fut faite le temps de reprendre son souffle après les efforts de quelques minutes auparavant (ceux vus dans la vidéo). Nous étions là, au milieu des participants, à prendre des photos et à rigoler avec eux : un petit vieux (très petit et très vieux) qui tenait l’une des cordes servant à diriger le Taikodai et qui avait visiblement déjà bu une quantité assez conséquente de bière me demanda en rigolant de l’aider à porter le Taikodai. Je fis mine de le soulever et ni une, ni deux, sans trop savoir comment je me suis retrouvé avec un Happi sur le dos et « embauché » comme porteur du Taikodai !!!
Comment décrire cette expérience faite d’efforts surhumains (je n’ai pas vraiment d’entraînement dans le domaine et ma taille bien supérieure à la moyenne des participants ne me facilita pas la tâche quand il fut question de porter la grosse poutre du Taikodai sur l’épaule) et de communion avec des gens que je ne connaissais pas et qui ne me connaissaient pas cinq minutes auparavant ?
C’était vraiment émouvant que de se sentir ainsi accepté par des inconnus, de faire partie de leur groupe, ne serait-ce que pour la grosse heure pendant laquelle la chose dura.
Parfois, je maudissais la barrière de la langue qui m’empêchait de communiquer plus directement avec eux. Parfois, je me disais que c’était en fait grâce à celle-ci que cette communion était possible, la communication non-verbale permettant cette empathie que la langue fait parfois passer au second plan.
Quoiqu’il en soit, il s’agissait encore une fois d’un grand coup de pied dans le tas des clichés à propos des comportements des Japonais envers les Gaijin.
Même quand un incident est survenu : un vieil homme s’était joint en chemin aux porteurs du Taikodai, il tenait l’autre poutre et s’était placé presque en face de moi. Alors qu’arrivés sur une place du village, nous tenions et soulevions l’objet de façon similaire à ce que l’on peut voir sur la vidéo, il tomba soudain raide inanimé devant mes yeux ! Pendant que l’on s’occupait de lui, on aurait pu en toute logique m’ignorer. En fait, je m’attendais presque à ce que quelqu’un s’approche et me dise « Allez, le Furansujin, c’est fini maintenant, on ne rigole plus, tu nous laisses entre nous, fini de faire mumuse ! » Mais non, au lieu de cela, une vieille femme est venue vers 康代 (qui était alors à mes côtés) pour venir nous rassurer à nous ! Nous dire de ne pas nous inquiéter, que ce n’était pas grave ! Je ne suis pas encore revenu de tant d’attention à un pareil moment. Surtout que je ne suis pas du tout sûr que cela n’était pas grave. L’homme était toujours vivant (ce dont j’ai à un moment douté), mais il ne s’est pas relevé et fut évacué sur une civière de fortune. Je n’ai jamais su ce qu’il est devenu.
Je n’attendais rien de ce petit Matsuri, le plus petit auquel j’ai assisté – si petit que tout le monde s’y connaissait – participants et spectateurs, mais j’en suis ressorti avec une expérience et des souvenirs uniques et inoubliables. Rarement, quelque soit le pays, j’ai rencontré de telles personnes si accueillantes et si chaleureuses. Si je m’installe un jour réellement sur une île de la mer de Seto, je n’exclue pas de faire des infidélités à Ogijima (de toutes façons les deux îles sont à côté l’une de l’autre)…
Malheureusement, il n’y a pas vraiment de photos de cet épisode. Je n’ai pas pu en prendre pour des raisons évidentes, quant à 康代, elle s’inquiétait trop pour moi pour penser à le faire.
Heureusement, il reste Aki, notre compagne de voyage, qui en prit quelques unes. Saurez-vous me retrouver sur celle-ci (c’est pas trop dur) ?
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