Aujourd’hui l’œuvre du jour est en trois parties. En fait, il s’agit bel et bien deux œuvres séparées (et d’un café) situées dans une grande maison avec cour intérieure sur
Ogijima.
Ces trois éléments mis ensembles en ce même lieu représentaient parfaitement ce que le Festival International d’Art de Setouchi a tenté de faire : transformer pendant trois mois ces îles en lieux de rencontres entre les populations locales et le reste du Japon, voire du monde, par le medium de l’art, si possible en impliquant tout un chacun et en espérant qu’il en ressorte quelque chose de bénéfique pour la région (pour les individus, cela va sans dire)…
You & I (Nawa) Pillar 2010
Je regrette de ne pas avoir fait un tout petit peu plus attention à ce pilier, pressé que j’étais d’aller voir les memory drops car c’est peut-être l’œuvre qui symbolise le mieux ce que ce festival a essayé de réaliser.
En effet, l’artiste, Mariyo Yagi, n’a pas réalisé ce pilier de sept mètres de haut toute seule, loin de là. Ce sont environ 500 personnes, dont la plupart sont des résidents d’Ogijima et des autres îles de la région qui ont collaboré d’une façon ou d’une autre à sa réalisation. Avait-elle besoin de tant de monde ? D’un point de vue pratique, non, bien entendu ; mais d’un point de vue symbolique, absolument.
Ce pilier est constitué de tout un patchwork de bouts de vieux tissus donnés par les habitants de l’île. Il contient aussi diverses herbes séchées, de la sciure, la base étant faite de gravier et de pierres basaltiques, tous ces éléments provenant aussi d’Ogijima.
Le but était d’unir ces éléments naturels et humains et de les transformer en une œuvre collaborative, mais pas n’importe laquelle car ce pilier est aussi un Nawa, c’est-à-dire une corde sacrée similaire à celles que l’on trouve dans les temples Shinto pour indiquer les objets et les lieux sacrés. De plus, le fait qu’il s’agisse d’une spirale symbolise l’interdépendance et cette œuvre souligne aussi cette interdépendance des gens, des communautés des différentes îles de Seto et d’ailleurs. Chacun isolé est faible, comme les herbes et vieux habits constituant le pilier, mais tous ensembles sont forts.
En japonais ancien, Na veut dire « toi » et Wa veut dire « moi », Nawa signifie donc aussi notre unicité dans la diversité (chacun est unique, mais ensemble nous formons un tout) et c’est pour cela que Mariyo Yagi utilise souvent ce thème dans ses œuvres impliquant presque toujours les communautés locales.
(j’ai trouvé la plupart de ces informations
sur ce blog qui appartient, je pense, à la fille de l’artiste)
Dream Café
Pas vraiment une œuvre à proprement parler mais ce petit café restaurant était non seulement très sympathique, mais il créait une atmosphère conviviale allant parfaitement avec la dimension collaborative des œuvres de l’endroit. On pouvait y manger des Meon Burgers au poisson. Ils étaient parait-il délicieux (je ne les ai malheureusement pas goûtés) et des glaces. Comme boisson, le menu sur la porte indique des bières pour 500 ¥, je ne sais pas s’il y avait autre chose.
Je n’ai pas grand-chose à en dire de plus sinon qu’il collaborait vraiment à faire de ce lieu un vrai lieu de rencontres entre les visiteurs, la population locale et les artistes. De tels lieux étaient d’ailleurs nombreux sur Ogijima (c’est aussi pour cela qu’à mes yeux, en plus d’être mon île préférée de la région, elle fut aussi mon lieu préféré du Festival)
A Shelter for Drops of Memory
L’élément principal du lieu était
A Shelter for Drops of Memory (Un Abri pour Gouttes de Mémoire), encore une fois une œuvre collaborative, cette fois dirigée par
Takeshi Kawashima.
Il s’agit d’une grande pièce blanche où sont rassemblées de grosses boules de papier, les memory drops, créées à partir de journaux, magazines, agendas, journaux intimes, lettres, papiers-cadeau et autres papiers contenants d’une façon ou d’une autre divers souvenirs. Certaines ont été réalisées par l’artiste et ses amis, d’autres par les habitants de l’île, d’autres encore par les visiteurs qui pouvaient prendre part à des ateliers pour rajouter leur touche à l’œuvre (nous fûmes plus que tentés, mais une fois de plus ce maudit temps limité calma nos velléités).
J’ai vraiment aimé ces œuvres. Elles étaient aux antipodes des œuvres présomptueuses que l’on croise bien trop souvent (surtout en France ?), ces œuvres qui se veulent inaccessibles au public, intellectuellement, mais aussi physiquement et qui donnent cette image d’artistes vivant dans des tours d’ivoire oublieux du commun des mortels (ce qui est d’ailleurs vrai pour certains d’entre eux). Là, rien de tout cela. D’un côté, nous avions une œuvre faite en partie par les gens de l’île. De l’autre, nous nous retrouvions à marcher au milieu de l’œuvre, à pouvoir la toucher, voire carrément à écrire dessus :
Je me demande qui a bien pu écrire ceci…
Au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas si You & I (Nawa) Pillar 2010 et Dream Café sont toujours là, mais A Shelter for Drops of Memory sera ouvert :
– du samedi au mardi de 11h00 à 16h00 jusqu’au 19 décembre
– puis seulement le week-end de 11h00 à 16h00 à partir du 15 janvier jusqu’à fin mars (ensuite, je ne sais pas).
– Le prix d’admission est de 300 ¥.
Si vous passez dans la région (et si jamais vous êtes déjà au Japon ou si vous comptez vous y rendre au cours des 4 prochains mois, je ne peux que vous conseiller plus que chaudement de réserver quelques jours pour vous rendre dans les îles de Kagawa), c’est je pense l’une des œuvres à ne pas manquer (et de toutes façons Ogijima est à ne pas manquer).
(carte d’Ogijima pendant le Festival – elle se complète au fur et à mesure que je parle des oeuvres)
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