Cette semaine, les affiches de la Triennale de Setouchi 2022 ont été dévoilées et elles sont assez formidables !
Avant d’entrer dans le détail, les voici :
Je suis sûr que pas mal de monde va les trouver surprenantes, mais je pense que ces photos sont vraiment le choix parfait pour la cinquième édition du plus important festival d’art et d’architecture du Japon. Et je ne dis pas ça parce que je connais les gens sur les photos. 😉
Pour vous aider à comprendre pourquoi le choix de mettre en vedette des vieux insulaires est formidable et judicieux, je vous propose d’abord une petite rétrospective des posters et visuels des Triennales passées.
L’affiche originale de la toute première triennale de 2010, qui s’appelait encore « Setouchi International Art Festival » en anglais (il n’y a jamais eu de nom officiel en français) était l’affiche parfaite pour ce nouveau festival. L’affiche montre clairement de quoi il s’agit. Elle est très artistique. Le sujet principal de l’affiche est une série d’îles (Megijima, Ogijima et Teshima en arrière-plan). C’est un peu abstrait, personne ne sait vraiment à quoi s’attendre, mais il s’agit clairement d’art et d’îles.
Personnellement, je l’aime beaucoup. Il s’en dégage une atmosphère très onirique et un peu irréelle. Quelques mois avant le premier festival, j’avais eu la chance de voir la Mer Intérieure de Seto avec une apparence très similaire, et ce fut un des moments importants dans mon cheminement vers ma décision de venir vivre ici.
Notez également que ce n’est pas la seule affiche. Chaque édition de la Triennale comporte plusieurs affiches. Les autres affiches de 2010 représentaient diverses scènes de la vie insulaire : des olives de Shodoshima, un petit port de pêche (je pense qu’il s’agit du port de pêche de Ieura sur Teshima), et une vieille dame (déjà) dans les rues de Naoshima.
Vous pouvez les voir tous sur la page des archives du site officiel (d’où proviennent tous les visuels de cet article).
Je suis beaucoup moins fan des visuels de 2013. Les affiches sont un peu trop conceptuelles à mon goût : juste quelques drapeaux. C’est entre 2010 et 2013 que le festival a connu le plus de changements, et je pense que c’est ce que ces posters ont essayé de figurer avec plus ou moins de succès.
- Le festival a désormais un nom officiel en « anglais » : Setouchi Triennale (le nom japonais n’a pas changé, c’est toujours Setouchi Kokusai Geijutsusai ce qui signifie Festival International d’Art de Setouchi).
- Elle se déroule désormais sur trois sessions saisonnières : printemps, été et automne.
- Le nombre d’îles participant à l’événement est passé de sept à douze.
Tous ces changements se reflètent dans les affiches, surtout le fait que le festival est maintenant découpé en trois sessions/saisons. Les drapeaux sont blanchâtres pour le printemps (cerisiers en fleurs), bleus pour l’été (ciel et mer bleus) et orange pour l’automne (feuilles mortes).
Certaines personnes ont aimé. Mais je n’ai pas trouvé ces posters très convaincants (l’art conceptuel n’a jamais vraiment été mon truc de toute façon).
En 2016, un drapeau est toujours là sur l’affiche principale (pas sur les autres, encore une fois, vous pouvez voir tous les posters sur le site officiel). Je pense que pendant un temps, il fut question d’en faire le symbole permanent du festival – en parallèle avec leurs pendants réels. Mais en 2016, ce sont les ferries qui furent à l’honneur.
On est encore un peu dans le concept, mais au moins, c’est un concept plus parlant – et plus plaisant. Les ferries sont les connexions métaphoriques mais aussi, bien sûr, littérales des îles entre elles ainsi qu’avec le monde extérieur. C’était l’idée principale de ces affiches, et je pense que ça fonctionnait.
De plus, comme Meon et Ogijima faisaient partie du visuel principal, comment ne pas apprécier ?
J’ai un sentiment mitigé envers les affiches de 2019. J’aime bien les images, mais je trouve le passage du bleu au noir un peu trop négatif. Je ne sais pas exactement pourquoi ce changement a été fait. La plupart des gens avec qui j’ai parlé les ont aimées, alors peut-être que c’est juste moi.
Cette fois, nous quittons les îles pour aller voir ce qui se passe sous l’eau, car cette fois-ci, les stars sont des créatures marines de la Mer Intérieure de Seto. Cependant, il ne s’agit pas de n’importe quelles créatures marines. Nous avons des pieuvres et des poissons (dorade et anguille). En d’autres termes, ce sont des créatures marines comestibles. La raison en est que le sous-thème de l’édition 2019 de la Triennale était la nourriture, en particulier la nourriture locale (dont une grande partie implique le poulpe et la dorade).
Pourquoi pas ?
Encore une fois, j’aime les images, mais je ne suis pas totalement sûr qu’elles fonctionnent en tant que posters de la Triennale.
Ce qui nous emmène à la Triennale de 2022 et ses posters.
Je l’ai dit au début du post, je le répète : je les adore vraiment !
Ces affiches sont amusantes, différentes, inattendues et surtout elles font une déclaration claire et précise.
Cette déclaration est que la partie la plus importante de la Triennale de Setouchi, ses stars, ce n’est pas la mer. Ce ne sont pas les îles. Ce ne sont pas ses citrouilles, ni même l’art en général ! La chose la plus importante de la Triennale de Setouchi, ce sont ses habitants.
Les insulaires sont la raison d’être de la Triennale !
Une chose que j’ai remarquée en 2019, en particulier chez les visiteurs étrangers – car ce fut l’année où le festival a vraiment commencé à avoir une reconnaissance et une notoriété internationale – c’est que pour beaucoup d’entre eux, le seul intérêt de la Triennale sont les œuvres d’art. Les îles aussi parfois, mais rarement leurs habitants et la dimension humaine de cette région.
Pourtant, les insulaires sont les « stars » de la Triennale de Setouchi (d’où les lunettes de soleil et le maquillage outranciers des gens sur les posters). La Triennale de Setouchi existe pour eux. Elle existe pour revitaliser leurs îles. Et par « île » personne n’entend le morceau de terre qui constitue une île. Une île n’est pas seulement un espace géographique. Une île, c’est aussi un espace historique, un espace culturel, une ou plusieurs communautés et leurs cultures respectives.
Revitaliser les îles signifie maintenir vivantes leurs cultures.
L’objectif est de faire en sorte que les anciennes générations puissent transmettre tout ce qu’elles ont à transmettre aux générations futures. Il s’agit tout simplement de s’assurer qu’il y ait des générations futures sur les îles.
C’est aussi la raison pour laquelle je pense que toutes les personnes sur ces affiches sont des habitants d’Ogijima (il y a peut-être d’autres affiches avec des habitants d’autres îles, je ne suis pas sûr). Ogijima est l’île qui représente le mieux cette revitalisation parmi toutes les îles de la Triennale.
Sachez par exemple que la population de l’île a même augmenté certaines de ces dernières années ! (quelque chose d’inouï dans le Japon rural du 21e siècle). Le nombre d’enfants est passé de zéro à suffisamment pour que l’école puisse rouvrir. La plupart des nouveaux résidents font désormais partie de la communauté. Ils ne sont pas là uniquement pour profiter de l’afflux de touristes. La plupart d’entre eux ne travaille d’ailleurs pas du tout dans des domaines liés au tourisme.
De plus, je suis sûr aussi que la situation actuelle (je parle ici de la pandémie) a influencé ce choix. L’année et demie qui vient de s’écouler a été éprouvante pour nous tous, mais elle a été particulièrement difficile pour les aînés à bien des égards. Les célébrer de cette façon est tout simplement merveilleux, et me donne vraiment le sourire. J’espère que cela en mettra un sur votre visage aussi.
Allez, je vous les remets :
Au fait, j’ai failli oublier. Le photographe est Yoshihiko Ueda.
A très bientôt pour des nouvelles de la Triennale de Setouchi 2022 et plus.
En savoir plus sur Ogijima
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Je les trouve superbes ! c’est en effet une belle manière de mettre les habitants en avant.