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Quand on dit les trois mots suivants à la plupart des gens « Japon, Art, Île » la première réponse qui leur vient à l’esprit c’est Naoshima. Et il est vrai que Naoshima a l’avantage de l’âge. Depuis 20 ans que les musées y ont « poussé » elle a eu le temps de se faire une certaine réputation. Mais personnellement, j’ai quelques problèmes avec Naoshima. Tout d’abord, elle devient un peu trop touristique. Ensuite, les musées qu’elle héberge, aussi formidables soient-ils restent des musées. Certes, il y a bien le Art House Project, mais si j’adore le concept, je ne suis pas complètement fan du résultat. Bref, malgré tout ce que vous pourrez en lire ici ou là, Naoshima ne cesse de me laisser sur ma faim.Et c’est encore plus le cas quand on compare avec les îles environnantes, en particulier Teshima qui a mes yeux est certainement l’île la plus « excitante » de la région de matière d’art contemporain. Je vous ai déjà parlé de l’amour que j’ai pour cette île à travers ses gens, sa beauté naturelle, sa nourriture, mais sachez que les oeuvres d’art qu’elle héberge sont à la hauteur du reste. Il y a bien entendu l’incontournable Teshima Art Museum, qui mérite à lui seul que vous fassiez le voyage sur place, il y a aussi les Archives du Coeur, Was du liebst, bringt dich auch zum weinen, Shima Kitchen, et quelques autres, mais depuis l’été dernier, une autre oeuvre est venue s’ajouter à la liste. Et quelle oeuvre !

Je bien sûr parler de Big Bambú de Doug et Mike Starn.

Cette oeuvre protéiforme (littéralement), s’inscrit dans une série, et après leur studio dans l’État de New York, après le Metropolitan Museum, la 54e Biennale de Venise, et le Musée d’Art Contemporain de Rome, c’est donc sur Teshima, aux abords du village de  que la toute dernière incarnation de Big Bambú s’est installée.

 

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Dans une forêt de bambous, à la sortie du village de Kō sur Teshima.

 

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Surtout pensez à vous retourner en vous rendant vers l’œuvre, vous pourrez profiter d’un des plus beaux paysages de la Mer Intérieure de Seto.

 

En juillet dernier, j’avais enfin eu la chance de rencontrer les frères Starn après plusieurs mois de correspondance, ainsi que leurs assistants. Ils s’étaient tous révélés très sympathiques et accueillants et je ne regrette de ne pas avoir pu passer plus de temps avec eux. Ils m’avaient présenté Big Bambú encore en construction et j’avais pu en avoir un avant-goût, montant aussi haut sur la rampe d’accès qu’il était possible alors.

Ce n’est qu’en octobre dernier que j’ai enfin pu voir l’œuvre terminée :

 

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Cette photo résume parfaitement le projet Big Bambú dans son ensemble : des bambous attachés ensemble par des cordes. Un concept presque simpliste avec des résultats incroyables.

 

La visite est divisée en deux parties. On peut accéder à la première partie du projet comme bon nous semble, il s’agit de la structure chaotique de bambous sur laquelle repose le reste. Quand ils me l’ont présentée, les frères Starn appelaient cette première partie « the mess » (que l’on peut traduire par « le bordel ») et ça résume assez bien la chose. C’est d’ailleurs à la fois fascinant, et aussi un peu effrayant quand on sait que c’est sur ce « bordel » que repose toute la structure sur laquelle vous allez monter par la suite. Mais en fait cet entrelacs chaotique est extrêmement résistant, en partie parce qu’il est si dense.

 

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Il y a aussi un hamac/fauteuil pour se reposer ou contempler la structure.

 

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Le Big Bambú de Teshima, par rapport aux itérations précédentes de l’œuvre, est unique pour deux raisons. Tout d’abord parce qu’il représente quelque chose de précis (un bateau local « flottant » sur les bambous) mais aussi parce qu’il a la particularité d’être composé de tiges de bambous coupées, mais aussi de bambous vivants et poussant librement dans la nature.

 

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Ensuite, il est bien entendu question d’attaquer la partie principale de l’œuvre, à savoir le bateau flottant sur la forêt sur la forêt de bambous, à environ 20 mètres au dessus du sol. Pour cette partie et pour des raisons évidentes de sécurité, on ne peut pas monter comme on le souhaite. La visite sera forcément guidée avec un petit groupe d’une dizaine de personnes. Attention, en période d’affluence, il vous faudra prendre rendez-vous. pas besoin de le faire des jours à l’avance – je doute même que ce soit possible. Juste une fois arrivés à , rendez-vous sur place en premier, et si vous ne pouvez monter à la prochaine visite, inscrivez-vous pour une heure donnée et partez ensuite visiter le reste du village (il contient désormais trois œuvres permanentes : Big Bambú donc, mais aussi Beyond the Border, the Ocean et le « vétéran » Distant Memory). Attention aussi aux horaires de bus, ils sont bien trop rares à Kō, mais rentrer à Ieura à pied n’est pas trop difficile et prend environ 30 minutes jusqu’au port.

Quand vient enfin votre tour, vous serez donc invités à suivre le guide qui vous conduira à une passerelle de bambous qui serpente et monte dans la forêt :

 

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Suivez le guide.

 

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Plus on monte, plus la passerelle devient étroite :

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Il y a un certain nombre de conditions à suivre pour pouvoir monter. Les règles à suivre sont les suivantes :

  • Obéissez aux instructions qui vous seront données en toute circonstances.
  • Laissez vos sacs en consigne à l’accueil. Un unique appareil-photo est la seule chose que vous pourrez emporter là-haut, à la fois pour éviter d’endommager la structure et pour vous laisser les mains libres, vous en aurez besoin à moins d’être équilibriste.
  • Faites attention où vous marchez et tenez-vous en permanence à la rambarde pour ne pas glisser et tomber.
  • Ne touchez à rien d’autre que l’œuvre elle-même, y compris les plantes qui vous entourent.
  • Faites attention aux animaux dangereux qui peuvent éventuellement se trouver sur votre route (araignées, chenilles, mille-pattes, guêpes, frelons, etc).
  • Ne portez pas de sandales, chaussures à talons ou autres chaussures peu adaptés aux terrains difficiles (si vous n’avez pas de trop grands pieds, des chaussures vous seront prêtées à l’accueil, mais honnêtement, je vous conseille de visiter les îles chaussés d’une bonne vieille paire de baskets pour des raisons évidentes : vous allez beaucoup marcher et vous n’êtes pas en environnement urbain).

Les personnes suivantes ne peuvent monter sur l’installation :

  • Les enfants de moins de 12 ans (Hana va devoir donc patienter avant d’en profiter)
  • Toute personne mesurant moins de 1m30.
  • Toute personne ne se sentant pas bien, ou aillant consommé de l’alcool.
  • Toute personne sujette au vertige ou ne pouvant se mouvoir correctement en hauteur pour quelque raison que ce soit (bien entendu, votre jugement est le meilleur guide ici. Je suis sujet au vertige, mais je peux le contrôler et je sais quand cela m’handicape et quand cela ne me pose pas de gros problème).
  • Toute personne sujette à un handicap physique ou mental pouvant rendre une telle ascension dangereuse pour eux-même ou autrui.
  • Toute personne étant incapable de suivre les règles (j’aime bien ce dernier point, on dirait presque qu’il a été énoncé specialement pour certains touristes français).

 

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On approche du sommet, le bateau n’est plus qu’à quelques mètres.

 

Le dernier virage :

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À ce moment-là, on se trouve environ à 18 mètres au dessus du sol. La sensation est alors assez étrange (presque plus que lorsqu’on est sur le bateau en fait). La passerelle bouge beaucoup à une telle hauteur, car les tiges de bambous sur laquelle elle repose en partie sont devenues très fines. On est aussi au dessus des quelques arbres que comprend cette forêt de bambous. On est littéralement entre terre et ciel.

 

Et enfin, on monte sur le bateau :

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Une des raisons pour lesquelles je n’aime pas les visites de groupes quelles qu’elles soient, c’est qu’il y a toujours au moins une personne insupportable, même si le groupe est minuscule, même si le groupe ne comprend aucun retraité japonais. En l’occurrence, cette femme qui s’est précipité à la proue du bateau aussitôt arrivés et qui n’en est partie qu’au moment de descendre. Si j’ai réussi à prendre quelques photos dans les rares moments où elle n’y était pas (mais pas toujours dans les angles que je souhaitais, et avec bien peu de temps à ma disposition, deux ou trois secondes à chaque fois), il fut pratiquement impossible de profiter moi-même de cette proue ne serait-ce que quelques instants. Enfin, bref, j’aurai l’occasion d’y retourner tôt ou tard (j’espère dès ce printemps qui arrive).

 

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Kō in the distance.

 

(comme d’habitude avec les galeries-photo, cliquez sur les photos pour les voir en grand)

 

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Et comme nous étions en automne, le bateau était peuplé que quelques squatteurs de saison.

 

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Bientôt, il fut temps de redescendre et de dire au revoir à cette construction un peu irréelle et plus que fascinante.

 

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Big Bambú est ouvert (pendant l’hiver, je ferai une mise à jour dès les horaires de printemps et d’été publiés) les samedis et dimanches de 11h00 à 16h30. Prix d’accès : 300 yens. Si vous venez dans la région, surtout ne le ratez pas.

 

 

8 commentaires sur “Big Bambú sur Teshima”

  1. Merci beaucoup David, je pensais que l’oeuvre n’avait été visible que le temps de la biennale comme ce fut le cas à Venise
    je viens en Avril, je me réjouis d’y grimper (en tentant de faire taire mon vertige !)

    1. De rien.
      Mike et Doug Starn m’ont dit que Mr Fukutake souhaite qu’elle soit permanente. Concrètement, je ne sais pas si c’est possible (il faut que la sécurité de l’installation soit maintenue, et comme nous sommes dans une forêt de bambous, de nombreuses tiges poussent un peu partout et tôt ou tard, celles qui maintiennent la structure vont mourir – d’ailleurs, c’est quoi la longévité d’une pousse de bambou), mais pour l’instant, elle est là et bien là, pour encore au moins un certain temps.

  2. Euh, ça fait peur en terme de sécurité!
    Comment fait-on les calculs de résistance sur une telle structure ? Et effectivement comme signalé ci-dessus les bambous poussent et meurent ce qui modifie l’ensemble.
    Bref ça m’inquiète cette histoire!

    1. Je comprends que ça fasse peur, mais les frères Starn n’en sont pas à leur première tentative, donc je suis assez sûr qu’ils savent ce qu’ils font.
      Et puis nous sommes au Japon, le pays de la sécurité.

      Pour les « calculs de résistance » je sais pas trop, mais bon, le bambou est un matériau bien connu pour sa résistance, et dans pas mal d’endroits en Asie il est utilisé dans la construction (je me souviens qu’à Hong Kong, même de nos jours, les échafaudages de bâtiments sont toujours en bambous).
      Quant aux bambous vivants, je ne sais pas à quel point ils sont intégrés à la structure, mais pareil, la longévité de la plante est connue et je suis sûr que des « travaux de maintenance » sont faits régulièrement (c’est le cas des autres œuvres ne présentant pas de problème éventuel de sécurité, il me semble évident que c’est le cas de celle-ci aussi).
      En fait, je vais bientôt écrire aux frères Starn (quand j’aurai écrit la version anglaise de cet article), je leur poserai deux trois questions sur le sujet.

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